Sélection de la Saint-Valentin

Collaboration avec Hungry Bugs

Hungry LittleBig Bug

Saint-Valenquoi ?

Ça y est, le mois de janvier est terminé. La déprime de la nouvelle année après la période des fêtes se résorbe gentiment (et le surplus de nourriture aussi). On peut sereinement attaquer le deuxième mois durant lequel on n’a toujours pas commencé à respecter nos bonnes résolutions du nouvel an (mais pas de panique, plus que 11 mois et on peut en annoncer de nouvelles). 

On commence à se remettre de toutes les dépenses de décembre. Fort heureusement, la société a pensé à tout pour ne pas que les bourses soient lourdes trop longtemps, et il est temps de repasser à la caisse pour prouver son amour à son, sa ou ses conjoint.e.s. 

Il faut se laisser guider par les traditions consuméristes qui dictent ce que c’est l’amour. Si tout se passe comme prévu, la société prévoit un pic de réchauffement climatique durant le 14 février, une courbe qui correspond étonnamment à celle du chiffre d’affaires des restaurants, fleuristes, bijoutiers et magasins de lingerie. 

Dans le jeu qu’est la vie, la Saint-Valentin est censée être perçue comme un checkpoint. Les couples doivent se prouver leur amour, et les célibataires devraient rejoindre la cadence avant le prochain checkpoint. 

La vie de couple n’est pas une finalité, et la manière dont un couple exprime – ou non – l’amour l’un pour l’autre n’est pas censée être calibrée. De toutes manières, pour être heureux, il faut commencer par savoir s’aimer soi-même avant d’aimer quelqu’un d’autre. 

Dans la vraie vie, j’ai une copine avec qui je vis. Voici notre planning pour le lundi 14 février 2022. Elle : Live Twitch “Pokemon” de 18h à 23h. Moi : Ecriture d’un article de blog et lecture de manga. Ensuite on regardera sûrement un bout de série en mangeant un truc sur le canapé avant d’aller se coucher. Peut-être que les draps vont chauffer ce soir-là, pour respecter la tradition, peut-être pas. Nous savons que nous nous aimons toute l’année, il n’y a rien à se prouver le 14 février. 

Sur internet, j’ai aussi des crush virtuels (ne le dites surtout pas à ma copine). Parmi eux, il y a Deuff, qui est le président du fan club francophone du meilleur studio de jeu vidéo japonais : Grasshopper Manufacture. Que ce soit des mangas, comics, jeux vidéo ou film, il aime les œuvres qui tâchent, qui sortent de l’ordinaire et qui n’ont pas besoin d’être lissées sous un rouleau compresseur de cahier des charges pour être vendables. Avec son collègue Yaksha, ils tiennent le blog Hungry Bugs, sur lequel, armés de leur prose incisive, ils déclarent leur amour pour toutes ces vilaines productions cassées qui ne demandent que ça, de l’amour. 

Tel l’Alpha et l’Omega, Deuff et moi sommes les opposés qui s’attirent. Je suis le côté lumineux de la force, celui qui cherche le bon dans toutes les œuvres (enfin presque) grâce à une empathie envers les créateurs (étant moi-même Game Designer, j’ai beaucoup de sympathie pour les créateurs, même quand ils font des erreurs). De son côté, Deuff est le Dark Side qui n’hésitera pas à rouler à contresens sur l’autoroute avec ses avis tranchés sur ce qui est populaire, ce hipster. On se retrouve souvent sur l’octogone des débats lui et moi. 

Curieuse coïncidence ou merveilleuse destinée, nos deux blogs sont nés à 2 jours d’intervalles, comme deux jumeaux dont l’un serait maléfique (à vous de juger lequel!). Nous avons donc décidé de profiter de cette journée si spéciale du 14 février pour affirmer notre amour l’un pour l’autre et proposer, en couple, une petite sélection d’œuvres qui résonnent avec notre définition de l’amour. Choisissez votre camp, ici l’aMour sera célébré dans la lumière, celui qui s’écrit avec un grand “aime”, ou allez voir du côté obscur pour y découvrir l’amOur avec un grand “Oh!”. 

La sélection se fera en 3 actes : Séduction, Routine et Sauvetage. Mais attention, même si la thématique principale sera l’amour, la sous-thématique tournera autour de la convergence vers centre d’intérêt un peu atypique.

Acte 1 : Séduction – Sexy Cosplay Doll / My Dress-up Darling (Manga / Animé)

Sexy Cosplay Doll

Si vous vous intéressez un minimum à l’actualité du monde de l’animation japonaise, vous n’êtes pas sans savoir qu’une vague d’amour a emporté les réseaux sociaux pour une certaine Marine Kitagawa. Depuis quelques semaines, l’anime nommé My Dress-up Darling est diffusé de manière hebdomadaire sur Crunchyroll

Il s’agit d’une adaptation animée du manga Sexy Cosplay Doll de Shinichi Fukuda, dont le tome 7 est sorti en février 2022 aux éditions Kana

Le jeune et timide Gojô vit dans une famille spécialisée dans la confection de poupées décoratives haut-de-gamme. De nature discrète et réservée, il passe l’intégralité de son temps libre à peaufiner son art pour un jour reprendre l’activité familiale. Bien qu’il ait des lacunes dans certains aspects de cet art, il excelle dans la couture. 

Même à l’école, sa timidité n’aide pas au développement de sa vie sociale ni affective. Il est tout le contraire de la rayonnante Marine Kitagawa, véritable soleil autour duquel gravite toute sa classe. Selon Gojô, ils ne sont clairement pas de la même galaxie. 

C’est lorsque Marine découvre que Gojô est un couturier hors pair que cette histoire décolle. Passionnée de cosplay, elle essaie de réaliser elle-même ses futures tenues tirées de jeux dont elle est fan pour des séances photos. Malheureusement, elle n’est pas du tout douée pour cet art, contrairement à Gojô. C’est ainsi que vont naître de nombreuses collaborations entre ces deux personnages. 

Sexy Cosplay Doll c’est un manga qui déborde de bonne humeur et de bienveillance. Contrairement à son titre, le côté “sexy” n’est pas important. Effectivement, Marine n’a aucune pudeur et elle aime les tenues aguicheuses, mais ce n’est pas graveleux. Elle aime s’habiller de manière sexy, mais ce n’est jamais de mauvais goût ou exagéré. 

L’alchimie qui se crée entre Marine et Gojô est absolument touchante, et évidemment elle va mener à une attirance mutuelle inavouée. Contrairement à de nombreuses comédies romantiques qui capitalisent sur des tensions dues à des quiproquos, Sexy Cosplay Doll a le don de désamorcer toutes les situations qui pourraient mener à un potentiel conflit. On peut suivre les états-d’âmes des deux personnages et des malentendus qui en naissent, mais ce n’est jamais tendu ou lourd. Cette légèreté et cette bonne humeur est un afflux constant de dopamine dans le cerveau, c’est très satisfaisant. 

C’est une belle leçon de vie sur les aprioris. Marine est belle et populaire, mais au-delà des apparences, son identité se situe dans sa passion pour le cosplay. C’est ainsi qu’un garçon timide sans grande confiance en soi devient la personne qui hante ses pensées. Bien qu’il s’agisse d’une fiction, la réalité n’est jamais très loin, je peux personnellement en témoigner ! 

Ma première recommandation est donc de lire Sexy Cosplay Doll (ou de regarder My Dress-up Darling), seul ou en couple. C’est un concentré de bonne humeur et en plus c’est instructif sur le vaste monde du cosplay et de la couture en général. 

Et si vous avez un.e conjoint.e qui lit les tomes mais pas vous, je vous conseille de les lui piquer, ça vous fera un joli sujet de fanatisme en commun. 

Acte 2 : Routine – Otaku Otaku (Manga)

Ça y est, vous êtes proche de la trentaine, vous n’êtes plus au lycée. Les jeux de séduction c’est fini. Vous êtes dans la vie professionnelle. Vos centres d’intérêt, eux, n’ont pas changé depuis l’adolescence, et les jeux vidéo et les mangas restent vos hobby principaux. Votre compagne / compagnon est dans la même situation. Vous êtes tous les deux des Otaku.

Otaku Otaku est une série créée par Fujita, publiée également aux éditions Kana et dont le 11ème et dernier tome paraîtra courant 2022. 

Narumi et Hirotaka, 26 ans chacun, travaillent tous les deux dans la même entreprise. Ils se connaissent depuis l’enfance, et sont donc au courant des obsessions mutuelles pour les activités d’otaku. Difficile pour des accros aux jeux vidéo de 26 ans de rencontrer du monde et de développer une vie sentimentale quand ils sont envahis par leurs passions geek” !

L’alignement des étoiles leur permet à tous les deux de se côtoyer sur leur lieu de travail. Entre Narumi et Hirotaka, il n’y a aucun jeu de séduction (de toute façon ils ne savent pas faire). Lors d’une soirée un peu arrosée, elle lui avoue l’impossibilité de trouver l’amour en tant qu’otaku. Pragmatique et direct, Hirotaka propose alors de se fréquenter afin “d’être toujours à ses côtés pour farmer et la faire leveler”. Comment résister à une telle déclaration ? C’est ainsi que dès le premier chapitre, ce couple d’Otaku-Otaku naît. 

Contrairement à Sexy Cosplay Doll qui invente des références fictives pour les confections des costumes, Otaku Otaku fait fortement vibrer la corde des références à la culture Geek. Les personnages vivent dans un monde où Final Fantasy et Evangelion existent, et les clins d’œil à ses séries, comme à beaucoup d’autres, sont dispersés sur toutes les pages. 

Le design très épuré des illustrations des couvertures peut laisser penser qu’il s’agit d’une romance classique, courante dans les mangas shojô, mais le titre est estampillé “Big Kana”, c’est donc une comédie romantique, aux thématiques plus adultes, qui fera plaisir à tout le monde. (Même si hey, les garçons, vous avez le droit de lire un manga sur lequel c’est marqué “shojo” sur un fond rose, ce n’est pas que pour les filles!). 

Le manga a un format spécial épisodique qui convient parfaitement à la lecture occasionnelle (et donc même pour ceux et celles qui n’ont pas l’habitude de lire souvent des manga), il n’y pas vraiment un fil rouge qui happe le lecteur sur plusieurs chapitres. La structure est plus prévue comme une succession de scénettes montrant cette relation si particulière d’un couple d’adultes qui sont de complets otakus. Les volumes sont plutôt fins et rapides à lire, une expérience courte mais très satisfaisante à chaque tome. 

Il s’agit une fois de plus d’un manga qui respire la bienveillance, la relation entre Narumi et Hirotaka est touchante et criante de vérité. C’est forcément le fantasme de beaucoup d’entre nous, lecteurs et lectrices de manga, de partager sa vie amoureuse avec quelqu’un qui a les mêmes délires que nous, mais ça existe ! Même si c’est une fiction très romancée, il est possible de lier passion et amour, et même de les partager. C’est forcément un peu plus compliqué dans la vraie vie, parce qu’il y a les obligations du quotidien qui entrent dans l’équation, mais c’est une jolie porte d’entrée dans la projection de ce que pourrait être la vie de couple de deux otakus ! 

Nous avons exploré la séduction via la découverte d’un centre d’intérêt commun pour deux personnes que tout oppose, puis nous avons découvert le train-train quotidien d’un couple qui assume ses centres d’intérêts communs et envahissants. Et si le couple commençait à battre de l’aile ? 

Narumi et Hirotaka de Otaku Otaku sont passionnés de jeux vidéo, alors changeons de médium pour l’acte 3. Direction le paysage vidéoludique ! 

Acte 3 : Sauvetage – It Takes Two (Jeu vidéo)

Cody et May sont mariés, ils vivent dans une grande et belle maison avec leur fille Rose. Tout a l’air d’aller pour le mieux mais en réalité, le couple diverge et ne parvient plus à se resynchroniser. Ils décident de divorcer, au grand malheur de la petite Rose qui est profondément attristée par cette situation. Cette dernière cherche des réponses dans un livre sur la thérapie de couple écrit par un certain docteur Hakim. Dans sa tristesse, elle fait perler une larme jusque sur deux petites poupées qu’elle avait confectionnées à l’effigie de ses parents. Les personnalités de Cody et May se retrouvent transférées dans ces poupées et ils se font transporter dans un monde de fantaisie face au Docteur Hakim en question, lui-même incarné dans un livre aux allures et aux expressions hilarantes. 

It Takes Two est la dernière création de Josef Fares, ayant remporté une multitude de prix pour ce jeu sorti en 2021. Ce Game Designer explore le principe de la coopération et la codépendance au sein même des jeux vidéo depuis longtemps. Il est le créateur de Brothers : A Tale of Two Sons, qui a su brillamment mettre en pratique le sentiment de déchirement au sein d’un duo (en l’occurrence des frères). Quelques années plus tard, il signe A Way Out et son concept impressionnant d’évasion de prison de deux détenus contraints de coopérer pour s’en sortir. 

Bref, Josef Fares s’y connaît en duo dans le monde du jeu vidéo. Ce n’est donc absolument pas étonnant qu’il explore plus profondément la thématique du couple dans sa dernière production en date dont le nom annonce la couleur : It Takes Two qui signifie littéralement “Il faut être deux”. Alors, non, dans la vie il ne FAUT pas être deux, ce n’est pas une obligation. Par contre, dans ce jeu, il faut effectivement l’être, car la coopération est au centre du gameplay et de la narration. 

Bien que sur l’aspect scénaristique, It Takes Two ne brille pas nécessairement, car le discours reste superficiel. Le but ultime du jeu étant bien évidemment de renforcer les liens entre les deux personnages en les forçant à coopérer pour qu’ils se rendent compte de leur besoin l’un de l’autre et pour qu’ils finissent par se réconcilier. C’est évidemment pas aussi facile dans la vraie vie, mais on peut pardonner cette facilité narrative car c’est au niveau du gameplay que le jeu est une absolue réussite. 

Cody et May possèdent des compétences différentes et pour réussir à évoluer dans ce monde farfelu sensé les rabibocher, ils doivent les combiner. La prouesse de It Takes Two se situe dans la richesse des idées proposées ainsi que leur exécution quasiment sans faille. Lors de la séance de Brainstorm dans le studio, je les imagine bien noircir des centaines de feuilles d’idées, et que les programmeurs n’aient pas attendu qu’ils fassent le tri pour en développer et implémenter l’intégralité, c’est vertigineux. 

Chaque segment de la narration correspond à un gameplay différent, toujours articulé autour de la coopération, mais avec un feeling et une difficulté toujours parfaitement dosée. Le jeu se paie même le luxe de disséminer un peu partout dans chaque décors des mini-jeux pour des règlements de compte de couple avec un suivi des points. Ces activités annexes se comptent en dizaines, comme si la variété de gameplay dans les nombreux tableaux du jeu n’était déjà pas suffisant. 

Si j’insiste tellement sur le fait que le jeu propose une immense variété dans les objectifs et de type de gameplay, c’est que justement dans un couple, il faut traverser différentes étapes et les moyens pour y parvenir sont tout aussi variés. Et dans la vie, comme dans ce jeu, il faut être deux pour les surmonter. De ce point de vue, il s’agit d’une belle métaphore dans la relation de Cody et May et son évolution. La coopération est obligatoire, mais la manière dont elle est perçue peut rendre l’expérience plus ou moins agréable. 

La variété dans les objectifs, le feeling de chaque segment de gameplay parfaitement équilibré, les dialogues drôles et percutants et la beauté des différents décors font que c’est le jeu ultime à jouer à deux. En couple ou entre amis, voire avec des inconnus online. 

Si vous vivez avec une personne qui n’est pas encore tout à fait à l’aise avec les jeux vidéo, It Takes Two peut être une intéressante porte d’entrée pour découvrir la richesse de ce médium. En plus, certaines parties du jeu pourront vous être utiles pour tester votre patience et votre tolérance. Mais n’attendez peut-être pas que votre propre couple soit affaibli pour essayer le jeu. 

Voici donc ma petite sélection cette année de manga et de jeux pour la Saint Valentin, pour les couples en devenir, les couples qui durent ou les couples qui faiblissent. 

J’ai spécialement choisi des oeuvres qui n’étaient pas déjà chroniquées sur le site, mais j’aimerais ajouter des mentions honorables à Rent-a-Girlfriend, Girlfriend Girlfriend, Cigarette & Cherry (à venir), Hana l’Inaccessible et Kowloon Generic Romance qui sont toutes des romances qui m’ont plu. 

Quoi qu’il en soit, Saint-Valentin ou non, aimez-vous tout le temps, vous n’avez rien à prouver à personne. 

Merci encore à l’Insecte Affamé, pour cet article collaboratif, allez vous jeter sur l’article version Dark Side si ce n’est pas encore fait. 

Et à bientôt ! <3

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