J’ai décidé de rédiger un avis commun pour les 2 premiers volumes de Rent-a-Girlfriend, étant donné que l’éditeur Noeve Grafx a fait le choix d’une publication simultanée pour lancer la série en version française.
Rent-a-Girlfriend
Le smartphone, quelle invention phénoménale ! Ce petit boîtier, véritable excroissance de notre corps qui ne nous quitte absolument jamais, permet d’accéder à une infinité de connaissances ou de culture, d’être en contact avec le monde entier, filmer, jouer, écrire, mesurer, commander, bref il n’y a aucune limite. Il existe une app à installer pour presque tout. De plus, grâce à internet, la possibilité d’accès est devenue immédiate à une quantité quasiment infinie de contenu virtuel à télécharger (musique, films, etc.). Il est également devenu enfantin de commander en quelques clics des biens matériels, de la nourriture ou encore…de la compagnie.
Kazuya est un jeune étudiant universitaire bouleversé par une terrible déception amoureuse. Pendant qu’il observe les publications de son ex-petite amie sur les réseaux sociaux, une publicité pour une app attire son attention. Il s’agit d’un service nommé Diamond qui permet à l’utilisateur de louer une fille qui sera sa “petite amie” durant le temps de location souhaité. Attention bien que les pensées de Kazuya soient très fortement portées sur le sexe, il n’est pas question ici de services sexuels. Les attouchements et les rapports sont interdits, tout comme des situations qui pourraient compromettre d’une manière ou d’une autre la sécurité ou l’intégrité de la “copine”.
Grâce à cette app, Kazuya va effectuer la location de Chizuru Mizuhara, une ravissante étudiante. Cette rencontre va momentanément combler le vide dans le cœur de jeune homme triste, déçu et frustré.
C’est ainsi que va démarrer une relation très particulière entre Kazuya et Chizuru dont les rencontres répétées – volontaires ou non – vont provoquer les situations les plus improbables, pour eux ainsi que pour leur entourage.
Je précise que Rent-a-Girlfriend n’est en aucun cas une oeuvre pornographique ni même érotique, et que le contexte de “call girl” est principalement un choix scénaristique judicieux pour révéler des comportement extrêmement humains chez des personnages souvent dépassés par les événements.
Rate-a-Girlfriend
Je trouve que l’auteur de ce manga dépeint de manière très forte le rapport souvent malsain de la jeunesse avec le paraître, c’est-à-dire l’image de soi qui sera perçue plutôt qu’une perception réelle de leur personne.
Par exemple, dans le premier volume de la série, l’intrigue va s’articuler autour du personnage principal qui veut absolument faire plaisir à sa grand-mère malade dont l’un des souhaits les plus chers est de savoir son petit-fils en couple avec une petite amie digne de son approbation. Au lieu d’assumer sa situation, Kazuya préfère sauver les apparences en dépensant des sommes astronomiques pour s’offrir la compagnie de Chizuru, plutôt que d’assumer sa réalité.
L’auteur soigne aussi avec une délicatesse exceptionnelle les styles vestimentaires et capillaires de ses personnages qui sont constamment parés de superbes ensembles de vêtements et de coiffures. D’une part, c’est un vrai plaisir de constater le talent de l’auteur à soigner le style des personnages. D’autre part, cela prouve à nouveau l’importance que revêt l’apparence physique chez les jeunes dans ce récit. C’est d’autant plus flagrant quand le personnage de Chizuru, la copine à louer, n’est pas en “service” et qu’elle n’est pas apprêtée, les personnages masculins ne lui prêtent plus aucune attention. Pire encore, ils la méprisent pour son physique quelconque, ne reconnaissant évidemment pas qu’il s’agit de la même personne que la magnifique jeune femme qui les faisait fantasmer quelques pages plus tôt.
Pour terminer sur l’importance du paraître, j’ajouterai que dans notre société, c’est un phénomène qui est très fortement présent sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs peuvent sublimer leur réalité grâce à des filtres appliqués sur des photos ou vidéos ou encore des cadrages malins, voire des photomontages. Toute cette mascarade permet de jouir davantage de l’image renvoyée que de la réalité. Si je m’attarde sur ce sujet, c’est parce que l’utilisation des smartphones et plus précisément l’activité sur les réseaux sociaux de la part des personnages, qu’il s’agisse de consultation ou de publication, est régulièrement présente dans ces deux premiers volumes. Je pense qu’elle va occuper une place de plus en plus importante dans la suite du récit au fil des tomes.
Rent-a-Human
Un aspect de ce manga qui m’a particulièrement frappé dans ma lecture se situe dans le comportement des personnages. Nous sommes loin des archétypes prévisibles dont les traits de caractère servent uniquement de prétextes à faire avancer une intrigue ou pour renforcer l’aspect comique d’une scène. Au contraire, les dialogues et situations offrent des retournements de situation saisissants, principalement grâce à une compréhension du comportement et l’imprévisibilité des dialogues humains. C’est principalement ce qui pour moi a rendu cette lecture fascinante : le fait que, contrairement à beaucoup de comédies romantiques, ce sont les situations qui provoquent les réactions des personnages, et non le contraire.
Chaque personnage offre une palette variée et cohérente d’émotions et de réactions qui peuvent surprendre, comme ce serait le cas dans une vraie conversation. Mention spéciale pour le personnage de la grand-mère qui sert non seulement de point de référence scénaristique pour le premier tome, mais dont chaque apparition est hilarante.
Paint-a-Girlfriend
Visuellement, Rent-a-Girlfriend offre des dessins d’une grande délicatesse. L’accent est, sans surprise, porté sur les personnages féminins dont les traits sont superbes qui contrastent fort avec notamment le traitement graphique de Kazuya dont les émotions et réactions sont souvent exagérées. Le tout offre un cocktail haut-en-couleurs qui fonctionne très bien.
Étonnement, le fan service est plutôt rare, les plans mettant explicitement en avant des attributs féminins sont relativement rares, même dans le deuxième volume qui pourtant se passe majoritairement à la plage.
Les couvertures de la série sont très colorées et ne montrent que les personnages féminins. Ces illustrations en couleur prouvent une fois de plus la sensibilité de l’auteur à habiller ses personnages avec goût. Je trouve les pages couleurs tellement belles que je regrette presque de ne pas en voir plus à l’intérieur des tomes.
Le premier volume offre donc une introduction forte et prometteuse. Dès le tome 2, le contexte est installé et s’offre même le luxe de reprendre le thème du voyage à la mer entre amis – étape apparemment obligatoire dans toute comédie romantique qui se respecte – et de le rendre original. Il me reste cependant une interrogation au niveau du rapport à l’argent assez particulier des personnages. Il manque pour moi d’un peu plus de profondeur et/ou de conséquences. Mais mon petit doigt – et quelques indices – me disent que c’est un thème qui sera rapidement abordé dans la suite.
Page de l’œuvre sur le site de l’éditeur
Une oeuvre touchante.
Une vision de la société pertinente.
Des personnages profondément humains.
Des dessins d’une grande délicatesse.
Un contexte potentiellement trompeur.
Un héro un peu trop obsédé par le sexe.
Le rapport à l’argent des personnages est soit trop malsain, soit pas assez.
Déjà 19 tomes sortis au Japon, est-ce que la qualité se maintient ?
J’avoue que le titre du manga et ses couvertures montrant de belles jeunes femmes ne m’inspiraient pas vraiment confiance. J’avais peur de ne pas être la cible de ce que je croyais – à tort – être une simple comédie romantique, très (trop) érotisée, capitalisant sur des situations dégradantes et glauques pour des personnages féminins “à louer”.
Mais quand les éditions Noeve Grafx ont provoqué la surprise et un réel enthousiasme en annonçant leur acquisition de cette licence, j’ai eu envie de comprendre cet engouement pour ce manga dont la version animée a également trouvé son public.
Après la lecture de ces deux premiers volumes, je peux affirmer que mes aprioris ont été totalement balayés. De plus, l’aspect satirique de ce récit est très intelligemment porté par des personnages humains et crédibles.
Finalement, j’ai suivi les aventures sentimentales de Kazuya avec un immense plaisir que je n’avais pas ressenti depuis longtemps pour des œuvres dans ce registre. J’espère vivement que la qualité saura se maintenir sur la longueur, sachant qu’il y a presque 20 tomes sortis au Japon au moment où je rédige cet avis.
Quoi qu’il en soit, ce début de Rent-a-Girlfriend est une vraie surprise qui mérite amplement mon coup de cœur. Vivement la suite !