Semaine Du Shojo 2022 – Totonô de Don’t Call it Mystery

Hungry LittleBig Bug

#SemaineDuShojo2022

Après un peu plus d’une année d’existence de mon activité de blogueur, j’ai le plaisir d’être invité par Nico du Club Shôjo pour répondre à cette question : 

Quel personnage de shôjo t’inspire le plus ? Quel personnage de shôjo serait ton modèle ?

J’ai d’abord été un peu désorienté, car j’avoue que malgré ma mangathèque conséquente, je n’ai pas lu énormément de Shôjo, mise à part quelques œuvres de Ai Yazawa (que j’affectionne particulièrement) ou quelques séries très connues comme Fruits Basket ou encore quelques Clamp. Fort heureusement, parmi les titres que j’ai lu, il y a Don’t Call it Mystery et son fantastique personnage principal : Totonô.

Paru, il y a une année aux éditions Noeve Grafx, le premier tome manga de la célèbre Yumi Tamura (dont je n’ai malheureusement pas encore lu le reste des oeuvres) m’avais énormément plu, comme précisé dans cet article que je lui avais dédié. 

Nous savons que le personnage de Totonô est une graine de Sherlock Holmes, capable de lecture à froid comme le font les mentalistes. Mais aujourd’hui j’aimerais m’attarder davantage sur Totonô l’étudiant lambda, son écriture si juste et pourquoi je m’identifie fortement à lui et sa mentalité. 

Mon voisin Totonô

Totonô est un personnage qui ne souffre pas du “syndrôme du personnage principal”. Mis à part sa coiffure qui a tendance à devenir envahissante, Totonô a tout d’un étudiant lambda qui aspire à une vie tranquille. C’est le gentil voisin discret que vous croisez de temps en temps en allant chercher votre courrier dans votre boîte aux lettres. Ses préoccupations sont simples, la réussite du curry qu’il cuisine par exemple. C’est un aspect de lui qui le rend immédiatement extrêmement attachant, car il est facile de s’y identifier. Aucun objectif extraordinaire, un projet artistique ou une vie sentimentale à faire fleurir. C’est tout le contraire, Totonô assume totalement sa banalité qu’il admet de manière totalement décomplexée. Malgré tout, il se retrouve au centre de situations improbables (et aussi un peu car il est le personnage principal de sa fiction), et c’est grâce à son caractère si humain qu’il attire toute l’attention sur lui. 

A l’inverse d’un Sherlock Holmes qui est conscient de ses capacités et dont le métier est de résoudre les mystères, avec Totonô c’est l’inverse. Les “mystères” viennent à lui, sans qu’il n’ait cherché à les résoudre. C’est aussi pour cette raison qu’il ne faut surtout pas appeler ça un mystère. D’ailleurs, son pragmatisme exacerbé ne lui permet pas de croire aux mystères, il n’y a que des vérités. Étant donné qu’il n’a pas un statut de détective ou de héros ou autre statut, Totonô reste un humain lambda comme vous et moi, pourtant il est capable de dévoiler les faits qui font avancer des enquêtes. C’est très séduisant de s’y identifier, contrairement à Sherlock Holmes ! Mais ce n’est pas exactement pour cet aspect que, personnellement, je me sens proche de lui.

Hyperactivité ?

Le pragmatisme dont il fait preuve est à double tranchant, et c’est un aspect qui résonne énormément avec ma manière de réfléchir. Il est capable d’émettre des hypothèses absurdes juste pour avoir le dernier mot et pour contredire son interlocuteur : Accusé de meurtre par un témoin oculaire, son premier réflexe est de dire qu’il pourrait avoir un frère jumeau (alors que ce n’est évidemment pas le cas). C’est drôle, mais c’est dangereux. C’est un mécanisme intéressant d’autodéfense et une preuve qu’il essaie de réfléchir à la place de la personne en face. 

Totalement déconnecté de la réalité, il est du genre à demander à des terroristes à quelle heure ils finiront leur prise d’otage, car il a autre chose de prévu. Quand il s’exprime, ses pensées vont souvent trop loin et le font ajouter des détails qui n’ont absolument aucune signification pour ses interlocuteurs (ni pour le lecteur). 

Ces deux exemples me donnent l’impression que Yumi Tamura a réellement fait un travail phénoménal en caractérisant Totonô. Je pense que ce personnage souffre de TDAH (trouble de l’attention et hyperactivité) : Réfléchir beaucoup trop et ne pas savoir retenir ses paroles ou les hiérarchiser lors d’un échange, ainsi qu’un détachement, voire une déconnexion totale vis-à-vis de certaines situations alors que d’autres sujets anecdotiques deviennent des obsessions. Ce sont des symptômes typiques de ce trouble auquel j m’intéresse énormément, car j’ai des connaissances qui en sont atteintes. De plus, plusieurs personnes de mon entourage (ainsi que moi-même, je l’avoue) suspectons que je sois également atteint de ce trouble et qu’un dépistage s’impose. Évidemment, j’ai énormément de mal à assumer le fait de décrocher le téléphone pour prendre rendez-vous.

Voilà une des raisons pour lesquelles je me sens particulièrement proche de Totonô et de ses pistes de réflexions. Mais ce n’est pas tout. 

Féminisme

Ce qui est parfois intéressant dans des mangas écrits par des femmes, c’est que la masculinité toxique y est facilement et judicieusement dénoncée, sans forcément représenter des machos vulgairement stéréotypés. Même derrière la plus grande bienveillance, peut se cacher un comportement problématique. Yumi Tamura dépeint avec sensibilité des dialogues dénonçant parfaitement des agissements d’hommes façonnés par les codes du patriarcat, et elle place dans Totonô un espoir. Un espoir d’une jeunesse capable de s’éveiller aux problèmes sociétaux et même de donner des conseils sur la répartition des tâches et de la charge mentale dans un couple. 

Personnellement, j’admets que je me suis éveillé à ce propos bien trop tard, mais c’est ma compagne qui m’a appris à observer la société avec un nouveau regard et me rendre compte de sérieux problèmes, même si j’ai évidemment encore des efforts à faire pour tout comprendre comme il faut.

Je suis ravi de retrouver un personnage masculin avec de telles valeurs dans un manga et je serais très intéressé d’en découvrir d’autres, n’hésitez pas à m’en faire part !

Conclusion

Totonô est un personnage qui m’inspire énormément car il est simplement et profondément humain. Il semble présenter des troubles d’attention et d’hyperactivité, pouvant faire de son contact une expérience peu agréable pour les personnages qui reçoivent une bonne dose de pragmatisme dans la figure. Fondamentalement banal et aspirant à une vie tranquille, il voit la société avec un œil externe, lui offrant la possibilité d’avoir un avis critique et fondé sur à peu près tous les sujets, comme notamment le féminisme. 

Yumi Tamura a créé un personnage remarquable dont beaucoup d’hommes devraient s’inspirer et prendre comme modèle. 

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Voici les articles des collègues ayant participé également à la #SemaineDuShojo2022 !

Merci encore à Club Shojô de m’avoir invité et à l’année prochaine !

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