Mafia Dorée
Le monde des Yakuza représente un grand fantasme culturel. Cette organisation criminelle au Japon est un vrai phénomène de mode. Des films ou des jeux vidéo comme les célèbres Ryû ga Gotoku de Sega (sobrement appelés Yakuza en occident) ont grandement contribué à l’image charismatique que l’on s’en fait. Mais il est intéressant de rappeler que même si il y a un certain code d’honneur respecté et une élégance inhérente à la culture japonaise que l’on aime tant, il s’agit quand même de criminalité, aussi organisée et classe soit-elle.
En réalité ce n’est même pas tant le métier de Yakuza qui est volontiers représenté, mais l’archétype du personnage qui s’en est construit au fil des ans. Cet homme aux traits marqués par la violence de ses agissements, mais dont l’honneur et la bonté de cœur sont exemplaires. De vraies mains de velours dans des gants de fer qui n’hésitent pas à frapper, torturer et tuer les ennemis, mais qui ne feraient pas de mal à une mouche innocente. Cicatrices et tatouages recouvrent son corps, lui-même recouvert de costumes souvent élégants.
Là où je souhaite en venir avec cette longue introduction, c’est que dans la vraie vie, les Yakuza évoluent dans un environnement violent et dangereux. Mais dans la fiction, on aime aussi les mettre dans des contextes qui contrastent énormément avec l’archétype qu’ils représentent et notamment dans les manga où c’est une mine quasiment inépuisable d’inspiration pour les auteurs qui les mettent dans des situations cocasses : père au foyer, professeur d’école ou encore…Babysitter.
The Yakuza’s Guide to Babysitting est un manga dessiné par Tsukiya, paru en français aux éditions Big Kana avec une excellente traduction d’Aline Kukor. Voici mon avis après la lecture des trois premiers tomes de la série.
Ma Fille Adorée
Kirishima est un Yakuza craint de tous, véritable démon qui laisse un carnage derrière chacun de ses passages, sa réputation commence à inquiéter, voire agacer, le chef du clan Sakuragi. Ce dernier décide alors de lui confier la garde quotidienne de Yaeka, sa fille âgée de 7 ans.
Il est important de commencer par préciser que, malgré son titre, The Yakuza’s Guide to Babysitting n’est pas un guide. J’étais un peu réticent à l’idée de me dire que la série prendrait la forme de marche à suivre de comment s’occuper d’une fillette si vous êtes un Yakuza. Une sorte de livre didactique en total décalage et contraste. Finalement il n’en est rien, car c’est avant tout une belle histoire très mignonne de rapports familiaux au sein du clan Sakuragi, articulés autour de la petite Yaeka.
Au début, évidemment, Kirishima a du mal à se faire accepter par la fille du chef, mais très rapidement il sait faire ce qu’il faut pour lui taper dans l’œil. Ainsi, dès le premier tome, il n’est plus question de tenter de se faire accepter par cette enfant, au contraire, leur relation devient touchante de bienveillance et de sincérité. Ils changent peu à peu au contact l’un de l’autre. Kirishima opère une lente mue pour laisser derrière lui sa peau de démon sanguinaire, tandis que Yaeka ouvre son cœur à son entourage malgré son tempérament taciturne. C’est l’histoire d’un échange qui mène deux personnes que tout oppose vers une évolution bénéfique.
Le manga est découpé en une succession de courtes scénettes racontant la vie au sein du clan, il n’y a, pour l’instant, pas de réel fil rouge conducteur. Cependant, l’auteur aime étoffer son univers et le background de cette famille avec des flash-backs ou des chapitres bonus racontant le passé du clan. L’univers semble donc plutôt convaincant et vivant.
De nouveaux personnages du passé font surface et bousculent la métamorphose de Kirishima qui semble avoir vite oublié ses origines sanguinaires au contact de la petite Yaeka. Pire que ça, le démon se transforme même en véritable nounours d’amour. Cela me semblait presque un peu trop abrupt comme changement, mais c’était avant de découvrir les événements du tome 3, qui viennent chambouler le récit de manière très intéressante tout en piochant dans le background tumultueux du personnage. Avec une jeune acolyte à ses côtés, Kirishima doit autant la protéger physiquement dans un milieu dangereux qu’éviter de lui dévoiler sa violence passée. Une dualité très sympathique et bien traitée.
Malgré son ton léger et ses couvertures toute mignonnes sur fond blanc, le manga se permet d’aborder des thèmes lourds tout en justesse comme la maladie de la mère de Yaeka, sans en faire trop. Un équilibre plutôt satisfaisant donc pour un titre dont les tomes se dévorent très vite.
Visuellement, le titre possède un véritable charme. L’utilisation de trames en niveau de gris sur la majorité des dessins ainsi que la précision du trait donne l’impression de regarder des captures d’écran d’une version animée, c’est très beau et maîtrisé. De plus, chaque tome commence par de belles pages couleurs.
Une relation adorable entre Yaeka et Kirishima
Des dessins précis et expressifs.
Des tomes qui se dévorent d’une traite.
Un univers plus riche que prévu.
L’inclusion naturelle de personnages LGBT.
Une version très romancée et douce de la pègre.
Évolution un peu abrupte du Kirishima.
Certaines remarques de Kirishima a l’encontre de son ami homosexuel sont parfois très limites.
Le titre peut être trompeur : ce n’est pas un guide.
Tout en douceur, The Yakuza’s Guide to Babysitting est une lecture légère et touchante qui se permet d’aborder des thèmes lourds de manière intelligente. Un univers qui s’étoffe au fil des tomes grâce à des personnages intéressants qui bousculent le passé et le présent d’un personnage en pleine rédemption malgré lui. La relation entre Kirishima et Yaeka est adorable, et chaque tome se lit d’une traite pour une vraie bouffée de dopamine ! A voir comment la série se maintient sur plus de 10 tomes, mais pour le moment, je suis convaincu !