Daisuke Imai, auteur déjà connu en francophonie avec les séries Sangsues aux éditions Castermann et les surprenants Destins Parallèles chez Komikku, signe son retour grâce aux éditions Mangetsu avec une de ses dernières séries: Pakka.
Annoncée en juillet 2021, Pakka est une série complète en 5 tomes au Japon et dont le 2ème est paru chez nous début novembre 2022.
Cap ou Pakka’p ?
Kei Suemori, un jeune garçon particulièrement doué en natation, entre au lycée. Amoureux de Saki, son amie d’enfance, il la défie à la nage. S’il gagne, elle devra sortir avec lui. Mais ses plans tombent à l’eau lorsque durant une séance d’entraînement, il manque de se noyer à cause d’un phénomène incompréhensible qui immobilise son corps sous l’eau. C’est ainsi qu’il fera la rencontre de la belle et mystérieuse Shizuku qui n’hésite pas à se jeter à son secours pour… l’embrasser.
Pour le sauver, Shizuku transforme Kei en Kappa, célèbre créature aquatique friande de concombres du folklore japonais. Ce baiser semble étroitement lier son destin à celui de Shizuku, qui est en réalité également une Kappa. Cet événement marque le début d’un triangle amoureux entre Kei qui cherche à redevenir humain tout en cachant sa transformation et ses aptitudes nouvelles, Saki son amie qui lui plaît depuis l’enfance et Shizuku, jeune Kappa qui lui a volé son premier baiser pour le sauver et ainsi créer une liaison plus importante que prévue.
Dans une piscine, ‘faut le chlore !
Bien que Pakka s’inspire grandement du folklore japonais, il ne faut pas avoir peur d’avoir une énième histoire de yokai. En réalité, Daisuke Imai se permet de piocher dans cette légende pour abreuver son histoire de faits propres aux kappas, mais son interprétation est très libre et s’affranchit du look souvent vieillot ou convenu que peuvent revêtir ses histoires de démons folkloriques japonais.
En tout cas, ce concept permet de raconter une histoire aux paramètres originaux et intéressants. Mais le premier tome ne suffit pas pour immerger le lecteur complètement dans le concept, et donne la fausse impression que ce manga pourrait se résumer à un triangle amoureux parsemé de situations cocasses liées à la transformation physique de Kei en Kappa. Ce type de récit est déjà vu et revu dans des œuvres comme Tokyo Ghoul ou encore Alerte Rouge film Disney en animation 3D récemment sorti et qui utilise la transformation en grosse bête odorante dans le cadre scolaire comme métaphore filée du passage à la puberté. C’est pourquoi, malgré une lecture très agréable du premier tome, le concept manquait d’un twist supplémentaire à mes yeux pour en faire quelque chose de réellement inédit. Une goutte de je-ne-sais-quoi qui pourrait apporter une saveur supplémentaire à ce récit qui reste malgré tout très charmant. Mais ce manque a très vite été comblé.
Le hasard faisant bien les choses, j’ai lu le tome 2 le lendemain. Je n’ai donc pas eu le temps de ressentir de la frustration à froid. Je me suis replongé, avec plaisir et curiosité, dans l’histoire de Kei pour découvrir un développement inattendu mais absolument bienvenu. La présence des Kappa perd son côté presque anecdotique pour devenir une réelle force dans le récit et l’intrigue qui prend forme. Sans révéler les surprises du scénario, le manga s’affranchit rapidement de l’étiquette romance, pour proposer un twist plus proche de l’enquête, tout en prenant soin bien évidemment de conserver les paramètres mis en place. C’est comme si, à l’instar de nombreux mangas, un tome ne suffisait pas à l’auteur pour mettre en place son univers et son intrigue, et que le concept prend réellement son intérêt avec son second tome. Peut-être qu’une parution des deux premiers tomes simultanément aurait pu être une bonne stratégie pour le succès de la version française de Pakka, mais c’est aussi un risque à prendre. Peut-être aussi que le tome 3 marquera un tournant supplémentaire inattendu au développement de cette histoire. Who knows ?
En tout cas, avec son tome 2, je trouve que le récit, l’univers et ses paramètres de Pakka prennent tout leur intérêt. Ça m’attriste donc un peu de me dire qu’on est presque déjà à la moitié de la série.
Eau-de-vie simple
Finalement, Pakka c’est quoi ? C’est le quotidien simple, d’un garçon simple qui a des ambitions simples et amoureux d’une fille simple. Ce quotidien est bouleversé par l’arrivée d’une nouvelle fille à l’apparence simple mais dont la présence implique de reconsidérer la simplicité du monde et ce qui est simple ne l’est plus forcément. Et pourtant, ce sont des efforts simples pour retrouver une vie simple qui sont mis en valeur dans une succession de scènes de tranches-de-vie…plus très simples.
Ces scènes sont jouées par des personnages très bien écrits et réagissent de manière très humaine. Un sentiment de nonchalance se dégage des pages de Pakka, rendant le tout encore plus crédible, identifiable, presque palpable. La présence de surnaturel dans ce contexte de simplicité rend l’expérience particulière et douce mais aussi imprévisible, un réel plaisir à lire et à découvrir.
Flow
Ce qui rend Pakka particulièrement attirant au premier regard, c’est l’atmosphère douce et colorée qui se dégage des couvertures. Daisuke Imai a choisi de faire figurer systématiquement le personnage de Shizuku sur ses illustrations, un choix judicieux de présenter cette jeune femme intrigante et très expressive à la simplicité fascinante et séduisante dans le manga. Cette attitude synthétise finalement si bien l’ambiance de la série.
Mine de rien, ces couvertures en font une œuvre vraiment difficile à cerner. Même si, personnellement, je trouve que c’est très beau et attirant, est-ce suffisant pour attiser la curiosité de potentiels nouveaux lecteurs ? C’est aussi le jeu avec les séries du genre. Cela devrait en tout cas plaire et/ou interpeller des fans d’Inio Asano, Akane Torikai ou encore Pump Sawae dont deux œuvres sont disponibles dans la même collection LIFE des éditions Mangetsu.
Le style graphique de Daisuke Imai est, lui aussi, simple. Aucune case n’est surchargée, mais le trait est particulièrement expressif et lisible. C’est un style doux et une mise en scène douce dont la lecture est confortable. Il n’hésite pas à offrir des cases épurées et contemplatives, où le temps paraît suspendu. C’est notamment le cas dans les scènes aquatiques, particulièrement efficaces.
Le travail d’édition est d’ailleurs notable grâce à un magnifique travail sur les effets de fabrication du manga grâce à un vernis sélectif sur le logo et une texture d’écaille qui habille de manière particulièrement élégante l’illustration de couverture ainsi que les rabats de la jaquette. Le tout est porté par une adaptation graphique, une traduction ainsi qu’un lettrage de qualité. Pakka est une série qui semble éditée avec beaucoup d’attention, voire d’amour, et elle mérite d’avoir un succès à la hauteur du travail investi.
Un manga très doux mais surpenant
Un style graphique épuré mais efficace et séduisant
Des couvertures magnifiques (illustration et effets de fabrication)
Un tome 2 qui apporte une dimension bienvenue au récit
Très agréable à lire
Un manga édité avec beaucoup d’amour
Un œuvre peut-être un peu difficile à cerner.
Sortir les 2 premiers tomes d’un coup aurait pu lui être bénéfique au vu du développement.
Pakka est un manga d’une douceur particulière. Cette œuvre en 5 tomes de Daisuke Imai est un récit simple mais imprévisible servi par des dessins simples mais séduisants avec des personnages simples mais infiniment humains. Un comble lorsque l’un des personnages principaux n’en est même pas un ! L’amour dont Pakka a bénéficié pour sa version française est remarquable, et c’est tout ce que je souhaite à cette belle série : être remarquée. Vivement le tome 3 en janvier 2023 pour découvrir la suite de cette surprenante histoire.