Mais sur Switch !
Il y a des jeux vidéo qui portent en eux une aura légendaire. Chaque génération de console – ou presque – a eu ses titres dont la simple évocation déclenche la passion et la nostalgie. Personnellement, j’ai toujours été curieux de la trilogie des Metroid Prime, et bien que je possédais la GameCube et la Wii, je n’avais jamais pris le temps de m’y intéresser suffisamment. Peut-être que cette esthétique était soit trop colorée à mes yeux pour de la science fiction, soit pas assez coloré pour un jeu Nintendo (même si cet argument est un affreux stéréotype, mais bon j’étais jeune et bête ! Maintenant je suis juste un peu moins jeune). A noter que ce n’est pas que Metroid Prime que j’ai snobé à l’époque, mais toute la licence depuis la Super Nintendo, quelque chose ne m’attirait pas. Mais j’ai aussi fait partie de ces gens qui n’aimaient pas non plus Halo ou Star Wars, un vrai marginal de la SF colorée !
Trève de bavardage, ce fameux Metroid Prime dont mes amis me parlaient à l’époque, a créé l’enthousiasme généralisé sur les réseaux sociaux quand il fut annoncé, et commercialisé dans la foulée, en version Remastered (les fameuses versions “[…] mais sur Switch !” dont on raffole).
Comme pour chacune des 214 versions existantes de Skyrim, je me dis toujours “allez, cette fois c’est la bonne ressortie du jeu, je le fais”. Mais contrairement à Skyrim que je n’ai toujours pas fait, malgré toutes les versions qui sommeillent dans ma collection, je me suis lancé dans l’aventure Metroid Prime Remastered que j’ai fini en une quinzaine d’heure. Voici mes impressions de joueur vétéran qui n’a jamais joué à Metroid Prime à sa sortie.
Metroidvaniamania
Premièrement, il est important de donner un peu de contexte à Metroid Prime et pourquoi sa sortie fut si remarquée. Il existe deux licences de jeux vidéo à l’ambiance totalement opposée mais qui ont, grâce à leur concept similaire, offert le nom à un genre de jeu qui reste très à la mode depuis des décennies. Metroid et Castlevania sont donc à l’origine de ce genre qu’on appelle très subtilement le “Metroidvania”.
Le principe est simple, il s’agit de jeux généralement en 2D offrant des décors tentaculaire à traverser de long et en large tout en faisant l’acquisition de nouveaux pouvoirs et/ou équipements permettant de pousser l’exploration toujours un peu plus loin. Le plaisir de la découverte et de l’exploration en font un genre de jeu particulièrement satisfaisant et dont les héritiers sont nombreux tous les ans. On peut citer des exemples comme Hollow Knight ou Ori parmi des centaines de références existantes.
Lors de la sortie du jeu sur GameCube en 2002, c’était assez révolutionnaire, et en même temps si logique, de voir une transposition en 3D de Metroid qui a donné son nom à son genre. C’était une grosse prise de risque pour l’avenir de la série.
Tallon Aiguille
Trève de remise en contexte, Metroid Prime Remastered c’est comment, manette en main, 20 ans plus tard ?
Tout comme pour les graphismes que l’on abordera plus tard, il faut un certain temps d’adaptation. Les contrôles accusent le poids des années avec certains placement de touches à la pertinence douteuse, comme par exemple la touche de saut qui change quand on est en mode boule morphing ou non. La boule morphing est la célèbre capacité de Samus à se transformer en grosse bille pour progresser dans le décor. Rien d’insurmontable mais c’est déroutant jusqu’au moment où l’inconfort laisse place à un certain plaisir à contrôler Samus et à tirer sur tout ce qui bouge sur cette planète hostile.
Le sentiment d’être perdu et seul dans un environnement peu accueillant est très convainquant. Armée de son scanner et de son canon, la silencieuse chasseuse de prime spatiale doit arpenter et analyser tout ce qui passe devant son viseur pour s’accoutumer aux lieux.
Comme le veut la coutume, le personnage commence son périple en étant très peu équipé et très faible en énergie vitale, ce qui rend le début du jeu relativement corsé. Mais la courbe de progression est gérée de manière équilibrée et intelligente. Ce qui signifie une montée en puissance qui évolue parallèlement aux nombres d’allers et retours sur la planète Tallon, offrant une connaissance par cœur des chemins à prendre et des monstres à éliminer (qui réapparaissent toujours dans leurs niveaux respectifs). Ces chemins que l’on prenait timidement lors des premières heures deviennent des instants de carnage et de course lors des passages suivants. Le sentiment de devenir de plus en plus fort dans cet environnement qui semble figé est un vrai régal de satisfaction.
Cependant, la planète reste compliquée à appréhender d’un point de vue géographique. Tout est interconnecté par des portes et des passages atteignables mais uniquement sous certaines conditions, et il arrive régulièrement qu’on doive tourner en rond et faire des allers et retours inutiles sans réellement savoir où aller. Mais ces moments d’errances sont éphémères car le jeu a pensé à tout. Au bout d’un certain temps, si on n’a pas trouvé l’objectif suivant, une petite séquence indique un point d’intérêt sur la carte. Après il ne reste plus qu’à trouver comment y aller.
Les différents tableaux que l’on traverse représentent des épreuves de combat, de plateforme ou encore des petites énigmes à résoudre. Toujours un plaisir à découvrir, mais rapidement redondant quand on retraverse le même tableau pour la 30ème fois.
Le level design et la manière dont tous les tableaux se connectent restent néanmoins légendaire et transposent merveilleusement bien le concept du genre en 3D, malgré une carte pas toujours totalement lisible.
Mais trop hideux ?
Les jeux qui ressortent sur de nouvelles générations de console, même avec un gameplay qui n’a pas pris une ride, ce sont les graphismes qui peuvent révéler le poids des années.
Je dois admettre qu’au démarrage, le jeu m’a un peu picoté la rétine. C’est très anguleux et trop coloré à mon goût, mais c’est un remaster et non un remake, donc on fait avec le même nombre de polygones qu’à l’époque ! Et je m’y suis vite habitué. Par contre, l’interface utilisateur, réticule, barre de vie, etc. sont spécialement envahissants visuellement. Alors effectivement, on est sur une simulation de vue à travers la visière du casque de Samus, mais en 2023 on a vu bien mieux en termes d’UI diégétiques et élégantes. Mais là aussi, on pardonne rapidement, on remet en contexte avec son époque de sortie, et on s’habitue vite. Ce qu’on pardonne moins rapidement en revanche, c’est le manque de visibilité dans les zones sombres qui sont rapidement infernales, et la découverte d’autres modes de visées n’aident pas vraiment, en offrant tout juste un peu plus de visibilité, mais avec des aspects très désagréables.
Il faut saluer certaines fulgurances artistiques, comme notamment le reflet du visage de Samus qui apparaît dans le casque lorsqu’une explosion survient un peu trop proche du joueur. C’est surprenant et très malin visuellement.
Du point de vue de la direction artistique pure, le jeu révèle une vraie générosité avec un gros effort sur le storytelling environnemental et des lieux à explorer réellement dépaysant et excitant à découvrir. La curiosité de la découverte des tableaux suivants est toujours à son comble, et encore plus quand on change de biome et qu’on s’apprête, par exemple, à découvrir des ruines d’une civilisation extra terrestre, ou des sous-terrains ardents. Cette richesse dans les environnements permet de rapidement oublier certaines modélisations grossières ou des character design d’ennemis parfois très peu inspirés. Metroid Prime Remastered donne vraiment la sensation de faire de l’archéologie, et sa narration cryptique a du notamment largement inspirer les productions From Software : Très peu de cinématiques, très peu d’informations offertes au joueur qui va chercher ce qui l’intéresse, il n’a pas besoin d’encaisser tout un tas d’informations inutiles. Cependant, en parlant de cinématique, c’est dommage ne pouvoir ni les suspendre, ni les passer, surtout quand il y en a si peu et qu’elles arrivent généralement juste avant un combat de boss. Étant donné que ces derniers peuvent se révéler corsés, c’est d’autant plus frustrant de devoir assister à son arrivée après chaque échec.
Alors, on Samus bien ?
Metroid Prime Remastered est un portage tout à fait correct pour un jeu qui a marqué sa génération il y a 20 ans. Un level design exemplaire qui a inspiré de nombreuses productions, mais qui n’est pas exempt de défauts. Je pense notamment à la dernière partie du jeu, qui oblige le joueur à arpenter une dernière fois tous les tableaux en recherche d’éléments secrets, qui se révèlent obligatoires pour arriver à la conclusion du jeu et donnant accès à des combats de boss particulièrement relevés. Quelques passages assez tendus, séparés par des points de sauvegarde assez espacés rappellent vraiment l’impression de stress qu’un Souls-Like peut offrir lorsqu’il faut gérer sa performance au mieux entre deux feu de camp / lanternes / autre point sécurisant, après avoir affronté des hordes d’ennemis dont certains sont vraiment agaçants.
Un monument du jeu vidéo…mais sur Switch !
Une exploration satisfaisante, gratifiante et libre
Une excellente gestion des risques et des récompenses
Une évolution grisante du personnage et de ses compétences
Des idées de gameplay intelligentes
Un level design légendaire
Une superbe transposition 3D du concept
Un storytelling environnemental maîtrisé
Dommage de ne pas avoir eu la trilogie directement, comme sur Wii.
Une UI envahissante
Des contrôles déroutants
Les niveaux dans le noir
Visuellement un peu daté, mais on s’y habitue vite
Beaucoup d’allers-retours
Une dernière partie originale, mais redondante.
Cinématiques pas skippables
Ca y est ! J’ai enfin joué à Metroid Prime dans cette version Remastered et je suis ravi d’avoir enfin pu cocher ça dans mes objectifs vidéoludiques. Une expérience unique, à remettre dans son contexte de l’époque pour se rendre compte de la claque que ça représentait il y a 20 ans. Aujourd’hui, le jeu accuse un peu le poids des deux décennies qui sont passées depuis sa sortie, mais il reste exemplaire sous de nombreux points et ce n’est pas étonnant qu’il ait inspiré tant de productions actuelles et continue d’en inspirer de nouvelles chaque année. Un jeu exigeant et satisfaisant qui a réinterprété son propre concept de manière très convaincante.