Le milieu médical est un moteur d’histoire quasiment inépuisable. Qu’il s’agisse de films, de séries TV ou de mangas, c’est un milieu qui a déjà largement fait ses preuves. Selon moi, les thématiques de ces récits peuvent être divisées en deux grosses catégories : le quotidien de médecins chevronnés dont les connaissances et compétences sont mises au défi ou la vie de jeunes médecins fraîchement diplômés qui découvrent la dure réalité des centres médicaux. 

Les Enfants d’Hippocrates dont les deux premiers tomes sont sortis début juin aux éditions Mangetsu est un manga de Toshiya Higashimoto, déjà connu en France pour son thriller Le Bateau de Thésée (éditions Vega-Dupuis). Ce nouveau titre s’éloigne de l’enquête haletante pour un récit plus intime dans le milieu médical qui, je pense, peut prétendre à une place dans les deux catégories citées précédemment.

Mon copain Maco

Ce personnage à la coiffure improbable et au sourire emplit de bienveillance qui orne les couvertures du manga s’appelle Maco Suzukake. Le hobby de ce jeune homme est de faire des vidéos sur Youtube, accompagné de James son ours en peluche. Ayant du mal à faire décoller son nombre de vues et d’abonnés, notamment à cause de vidéos que les jeunes d’aujourd’hui pourraient qualifier de cringe (gênant, NDLR).

Mais Maco n’a pas énormément de temps libre, il est régulièrement sollicité dans la clinique où il est pédiatre. Bien qu’il ne soit “que” en stage, Maco est d’une efficacité déconcertante autant en théorie qu’en pratique et son statut va bientôt évoluer, tout comme son lieu de travail. 

Pourquoi est-il si efficace ? Premièrement, son esprit de déduction est d’une affolante vivacité et le moindre symptôme apparent chez un patient le transporte dans son palais mental pour y faire des associations d’idées et des déductions, tel un Sherlock Holmes de la médecine. Je salue d’ailleurs vivement le travail d’adaptation graphique d’Elsa Pecqueur qui a su rendre ces scènes particulièrement percutantes visuellement. 

Deuxièmement, et c’est là que Les Enfants d’Hippocrate se démarque d’autres œuvres du genre, c’est le comportement absolument bienveillant de Maco. Les patients ne sont pas des clients ou des défis à relever. Ce sont des enfants qui ont même souvent du mal à exprimer leurs maux, contrairement aux adultes, aux parents. Ils traitent ses patients comme des humains. 

Patients ou clients ?

Le cliché du médecin qui gagne très bien sa vie est bien connu. Même si les études de médecine sont longues et difficiles, pour certains c’est effectivement l’appât du gain qui est la source de motivation première. Les centres médicaux, surtout dans le privé, sont des entreprises à part entière qui capitalisent sur le fait qu’il y aura toujours des gens malades, donc une source de revenu inépuisable. Joli paradoxe que de se dire que le but des médecins est de soigner la maladie, mais si les malades n’existaient pas ou plus, ils se retrouveraient à la rue. C’est un milieu qui reste un business, une usine à soin où le rendement devient une préoccupation majeure. Mais il y a des médecins qui préfèrent les voies veineuses aux voies vénales. Ils ne choisissent pas ce métier pour l’argent mais par passion, la passion de l’échange, de l’altruisme, de l’aide et du soutien, surtout en pédiatrie. C’est effectivement le cas de Maco qui a avant tout un grand cœur. 

Là où le personnage de Maco me chiffonne encore un peu, c’est qu’il est présenté comme un grand enfant, et c’est la raison pour laquelle il s’entend si bien avec les bambins. Le fait qu’il se balade avec sa peluche, ou encore sa manière de parler et sa candeur en font presque une vision trop caricaturale, comme si le fait d’avoir un cœur en tant qu’adulte signifiait obligatoirement de rester un enfant. Pire encore, le présenter en tant que Youtubeur donne l’impression que pour faire ce genre de vidéos qui plaisent aux enfants, il faut en être un soi-même. C’est encore un peu maladroit à mes yeux, et je me réjouis de découvrir l’évolution du personnage au fil des tomes. 

Les parents hypocrites

Une des thématiques sous-jacentes mais extrêmement importante dans ce manga se situe au niveau des relations parents-enfants. Maco lui-même a une relation compliquée avec son père qui l’a profondément déçu de par sa vision justement trop entrepreneuriale du milieu médical, ce qui a provoqué l’éclatement de leur famille. Mais Les Enfants d’Hippocrate c’est aussi une leçon sur le pardon et sur le fait de savoir accorder une seconde chance et Maco est prêt à observer les efforts et la rédemption de son père en le rejoignant dans son nouveau centre médical. 

C’est pourquoi, ce n’est pas un manga purement médical, car le traitement des patients est en retrait vis-à-vis de tout ce qu’il y a autour, l’impact familial, les remises en questions, les craintes, etc. Maco fait office de véritable rayon de soleil et de leçon d’espoir auprès de patients et de leurs proches. 

Dans le premier tome, un cas de figure apparaît plusieurs fois : un parent se rend compte que c’est une négligence de sa part qui a provoqué l’état de son enfant. J’ai eu peur d’une redondance à ce niveau, surtout quand Maco finit toujours par réussir à rassurer ces personnes. Mais l’auteur parvient finalement à varier les situations et les résolutions, notamment grâce au tome 2 qui relance les enjeux de manière satisfaisante. C’était donc une excellente idée de publier les 2 premiers tomes simultanément, le premier tome ne suffit pas. 

Vous l’aurez sûrement compris à ce stade, d’un point de vue micro, le manga est une succession de cas pédiatriques à traiter. Mais la dimension macro s’intéresse à la relation des membres de la famille de Maco, notamment avec son père et son frère, travaillant tous les trois dans la médecine. Et c’est ce fil rouge qui sert de suture au récit, le tome 2 finit d’ailleurs sur une scène qui risque d’apporter encore une dimension supplémentaire très intéressante à la configuration familiale au sein de la clinique pédiatrique.

Une œuvre tout en douceur et en bienveillance.

Les scènes de “palais mental” de Maco sont superbement mises en scène et adaptées graphiquement.

C’est agréable et rapide à lire.

Un manga médical qui s’attarde plus sur les relations humaines que sur la pathologie. 

Des illustrations de couverture en aquarelle du plus bel effet.

Je m’attendais à avoir les larmes aux yeux au vu de la communication autour du titre.

Le personnage de Maco encore un peu caricatural.

Les Enfants d’Hippocrate est une très belle découverte. Généralement réticent face aux œuvres médicales trop focalisées sur la médecine, j’ai été ravi de découvrir un titre agréable à lire qui s’attarde davantage sur les relations humaines grâce au rayon de soleil qui lui sert de personnage principal. Bien qu’encore un peu caricatural dans son traitement, Maco dégage une bienveillance sincère qui crée immédiatement un attachement. 

Avec la communication autour du titre, je m’apprêtais à lire un manga qui allait me terrasser d’émotion. Ce n’est pas encore le cas, mais ça n’a aucunement nuit à mon plaisir de lecture qui était bien présent ! À voir au tome 3 si cette poussière va finir par me chatouiller les yeux ou pas !