Connaissez-vous Kouji Mori ? Auteur du manga Suicide Island (publié chez Kaze) et qui a une certaine notoriété et dont le manga Holy Land est vivement attendu par les fans français. Sa dernière série en date s’appelle Genesis et le tome 1 est sorti le 4 mars 2022 en France aux éditions Vega-Dupuis.
Des étudiants en anthropologie, dont Taiga, un jeune homme particulièrement lucide sur la banalité de sa vie toute tracée, sont en voyage d’étude en Australie en quête d’inspiration pour leur dernier travail académique. En explorant une grotte, une catastrophe s’y produit et lorsqu’ils parviennent à en sortir, ils se retrouvent dans un paysage nouveau, nez-à-nez avec des mammouths. Taiga et ses amis ont été transportés dans un monde préhistorique. C’est ainsi que la vie banale que redoutait tant Taiga prend une nouvelle dimension capable de lui faire battre le cœur d’excitation.
Land of Confusion
Je pense que Genesis peut être considéré comme un Isekai. Les frontières de ce qui définit ce genre très à la mode ne sont plus autant cloisonnées qu’à ses débuts. L’arrivée d’un groupe de personnages dans un nouveau monde dont on ne sait pas encore grand chose (retour dans le temps ? dimension parallèle ?), correspond pour moi à cette catégorie de récit. Même si l’étiquette à coller sur le manga n’a au final aucune importance.
Le parti pris qui est particulièrement intéressant dans Genesis, c’est que l’évocation d’un thème préhistorique laisse immédiatement penser à un contexte très jurassique avec des dinosaures, une thématique très à la mode depuis Jurassic Parc. J’étais moi-même persuadé avant ma lecture que Genesis serait un “isekai avec des dinos”. Mais l’auteur surprend son lectorat avec une période préhistorique se situant assez précisément au moment où néandertaliens et homo sapiens cohabitaient (ou se faisaient la guerre, question de point de vue).
L’avantage avec un groupe d’étudiants en anthropologie, c’est que la préhistoire n’a que peu de secrets pour eux, et ils parviennent à s’adapter rapidement à ce nouvel environnement. Grâce aux connaissances des personnages, le manga offre des mini-cours de préhistoires au fil des pages. Malgré le choix de police d’écriture que je trouve personnellement peu élégant pour ces passages, on en apprend énormément sur la faune, la flore, les paysages et les coutumes de l’époque. C’est plutôt intéressant, bien qu’alourdissant un peu le récit. J’espère juste que toutes ces phases explicatives sont correctes d’un point de vue historique, ce serait dommage sinon !
Keep it Dark
Bien que ces étudiants aient les connaissances pour réagir face à cette drôle de situation et sa grande dangerosité, les différents membres du groupe réagissent tous de manière bien différente. Certains paniquent et souhaitent se réveiller de ce cauchemar alors que d’autres essaient de s’en sortir de manière analytique et pragmatique. Le panel de réactions face à cette situation est donc plutôt crédible. Mais le “héros” de cette histoire est Taiga, présenté dès le départ comme une personne impassible et passive. C’est son évolution qui sera la plus importante et probablement la plus spectaculaire comme le montrent sans trop de surprise différentes scènes où il sort enfin de sa léthargie pour affronter ce nouveau monde.
Le principe d’avoir des personnages intelligents et conscients d’être dans un monde préhistorique où la science et la technologie n’existe pas encore me fait penser d’une certaine manière au célèbre manga Dr.Stone. Bien que le développement et le ton ne soient absolument pas comparables, le concept de personnages conscients du futur essayant de survivre dans un monde primal me plaît beaucoup.
Your Own Special Way
Visuellement, Genesis est un titre particulier. Premièrement, ceux qui connaissent déjà la bibliographie de Kouji Mori connaissent sa manière si particulière de dessiner des personnages. Des visages et des corps aux proportions discutables mais bénéficiant toujours d’un grand soin dans le rendu, personnellement j’ai toujours eu un peu de mal avec sa manière de représenter les humains. Mais toutes les pages de Genesis sont absolument généreuses en trames et en décors qui fourmillent de détails. Les personnages sont perdus dans une nature hostile qui domine parfaitement chaque case, c’est un réel plaisir. De plus, la représentation de la faune est d’une précision chirurgicale, c’est magnifique. Il est intéressant de préciser que cette obsession du détail dans ses compositions a probablement été héritée de son ami de longue date, le regretté Kentaro Miura, dont il a été assistant quelques temps.
Un contexte intéressant et instructif
Un magnifique soucis du détail dans les cases
Un tome d’introduction qui se termine vers un développement prometteur
Un travail de caractérisation très crédible
Des humains aux dessins moins réussis que tout le reste
Un petit doute plane sur la nature historiquement précise du titre.
Quelques choix de typographie peu élégants.
Ce tome 1 de Genesis est une agréable surprise. Il s’agit avant-tout d’une longue introduction jusqu’aux événements amorcés dans les dernières pages et qui présagent un développement vraiment intéressant. Une lecture plutôt rapide et agréable qui s’offre même le luxe d’être instructif. Finalement, je ne suis même pas déçu de l’absence de dinosaures et Je suis même très curieux de la direction que va prendre ce manga de Kouji Mori. Une série que je vais suivre avec intérêt !