Coma héroïque dans un autre monde
Volume 1
❤ Coup de Coeur !!
Coma Héroïque dans un autre monde
Auteur : Hotondo Shindeiru
Editeur : Soleil Manga
Date de Sortie : 13 janvier 2021
Genre : Comédie / Fantaisie
Big Découverte

17 ans après qu’il soit tombé dans le coma suite à un grave accident, un fan de manga et de jeux vidéo se réveille dans sa chambre d’hôpital. Takafumi Shibazaki, son neveu, vient le chercher mais il est persuadé que le coma a rendu son oncle fou lorsque qu’il s’adresse à lui dans une langue inconnue et prétend avoir des pouvoirs magiques après avoir passé 17 ans dans un autre monde. Ses pouvoirs magiques sont réels, et pour se réintégrer dans la société, il devient Youtubeur pour montrer ses talents hors du commun.

Le Isekai est un style de manga encore très en vogue. Pour rappel, il s’agit d’histoires où des personnages généralement des humains banals, se retrouvent dans un autre monde souvent magique et régi par les codes des jeux de rôles. Style démocratisé par des œuvres telles que « Sword Art Online » ou encore « Moi, Quand je me réincarne en Slime », il a su se trouver une place de choix dans les mangathèques francophones. De plus en plus d’œuvres essaient de prendre à revers le concept du Isekai en proposant des altérations des règles habituelles du genre. On pourrait prendre comme exemples « Et si le héros était une arraignée ? » (I’m a Spider So What ?, Pika Editions) » ou « Et si le héro était d’une prudence maladive ? » (Cautious Hero, Soleil Manga).

Et si le héros était un fanatique de pop culture totalement inadapté socialement qui a fait toute son éducation en lisant des manga et en jouant à la Sega Saturn ? Tel est le postulat de « Coma Héroïque Dans Un Autre Monde » qui m’a immédiatement séduit par son potentiel humoristique vraiment fort. Le concept va encore plus loin grâce au fait que le « héro » n’est justement plus dans le Isekai, mais doit confronter le regard de la société vis-à-vis de son expérience.

Malgré un ton très absurde et une auto-dérision omniprésente, la construction du manga est beaucoup plus complexe qu’elle ne laisse paraître. Le récit se partage en trois grandes catégories qui se succèdent et se font échos en permanence grâce aux dialogues entre Takafumi et son oncle.

Premièrement, il s’agit de la découverte du monde et les efforts d’intégration d’un vieux fan de manga et de jeux vidéo. Il apprend tout ce qui a secoué ses acquis de l’époque. Qui aurait cru que des jeux Sonic allaient sortir sur des console Nintendo ? Sûrement pas lui ! Le personnage est totalement inadapté socialement et ne sait s’exprimer autrement qu’en faisant des références à la pop culture de son époque. Ces références sont parfois très pointues et feront plaisir aux nostalgiques, mais elles ne sont pas essentielles à la compréhension du récit.

Deuxièmement, nous découvrons que ce personnage était tout autant inadapté socialement dans le monde de fantaisie. Là où tous les Isekai vont permettre à des personnages lambdas de briller grâce à une nouvelle vie, ce n’est de loin pas son cas. Il reste le fan de jeux caricaturé comme un introverti avec une drôle de dégaine. Cela donne lieu à des situations cocasses et des quiproquos qui m’ont fait ressentir bien de la compassion pour le pauvre personnage, qui réagi toujours avec détachement et humour. A l’écoute des histoires de son oncle, Takafumi, un peu plus dégourdi, offre un deuxième degré de lecture laissant comprendre qu’il sabotait de lui-même toutes les occasions qui se présentaient à lui pour briller dans ce monde, et notamment auprès de la gent féminine.

Finalement, nous suivons l’évolution de Takafumi dont la vie bascule totalement quand son oncle excentrique, avec ses pouvoirs magiques et ses histoires, s’installe chez lui du jour au lendemain. Son quotidien est rythmé par les interventions loufoques de son nouveau colocataire.

Le parti pris par ce manga peut-être dangereux. La couverture, le premier contact avec le lecteur, met en valeur un personnages féminin très sexy et une édition extrêmement soignée avec des dorures et des codes visuels qui correspondent à ceux des histoires de fantaisie médiévales. Ce schéma de composition se répète en tout cas sur les couvertures des volumes 2 à 5 (sortis au Japon au moment d’écrire ces lignes). L’aspect comique reste visible sur ces couvertures en arrière-plan, mais ce n’est pas ce qui est perçu au premier coup d’œil du lecteur potentiel. Cet aspect trompeur contraste complètement avec le vrai propos de l’œuvre.

Personnellement je suis très réceptif à ce genre de surprise, mais je pense que cela ne plaira pas à tout le monde. D’autant plus que les deux protagonistes ont un design volontairement banal voire repoussant pour servir le propos au milieu d’autres beaux personnages aux traits délicats.

L’aspect trompeur se situe aussi dans le titre du manga nommé « Coma héroïque dans un autre monde » alors la majeure partie des scènes se passent dans l’appartement de Takafumi, et seules quelques scènes de l’autre monde sont visibles sous forme de souvenirs racontés par son oncle. L’éditeur pousse même le vice encore plus loin en proposant le label « Fantasy » sur la tranche du livre, alors que visiblement l’édition japonaise est apparemment juste classifiée en tant que « Seinen » donc pour un public plus mature.

Page de l’oeuvre sur le site de l’éditeur

Une réinterprétation originale et hilarante du concept de Isekai.

Une œuvre rythmée et renouvelée grâce à un récit partagé en trois parties qui se font écho et s’entremêlent.

Des références à foison aux jeux vidéos et aux manga des années 2000.

Un magnifique travail sur l’édition grâce aux dorures.

Titre assez particulier à appréhender à premier abord qui peut surprendre un lecteur non-averti, notamment chez les plus jeunes.

Le premier volume est un enchaînement de situations absurdes, le titre pourrait s’essouffler sans un fil rouge plus solide par la suite.

Des références qui feront surtout plaisir aux lecteurs plus anciens.

Des dessins qui ne feront pas l’unanimité.

Pour moi, Coma Heroïque dans un Autre Monde est une excellente surprise. J’ai éclaté de rire à plusieurs reprises en découvrant les dialogues totalement improbables entre Takafumi et son oncle.

Il faut avouer que les références aux jeux et mangas des années 2000 résonnent très fort chez moi. Ce sont les années où ma propre passion pour cet univers s’est révélée et ne m’a plus jamais quitté. Ces références sont aussi les miennes et j’ai eu l’impression d’être totalement le public cible de ce manga. Cependant, je me demande comment ce que la lecture de ce manga peut évoquer à des lecteurs plus jeunes, surtout s’ils pensent lire un Isekai classique, tel qu’il a l’air d’être présenté.

J’ai vraiment hâte de découvrir la direction que vont prendre la suite des aventures de Takafumi et de son oncle !

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