Moins ironique, mais tout aussi dramatique.

Jusqu’à présent, Chiruran était une série particulièrement convaincante grâce à son utilisation judicieuse de l’ironie dramatique en faisant régulièrement des sauts entre le passé et le présent, permettant ainsi au lecteur d’avoir une vision intéressante des événements. Qu’en est-il de ce tome 5 ? 

Le récit se passe intégralement dans la timeline du passé, pas de retour au présent ni d’ironie dramatique cette fois. Ce qui remet obligatoirement un peu plus de tension dans ce tome qui est particulièrement riche en émotions. L’intrigue est articulée autour de l’existence d’un traître qui rôde dans les rangs du Miburôshi Gumi. Son identité est rapidement révélée, il s’agit simplement du jeune Eisaburô Abiru. La vitesse de la révélation est étonnante, mais ce n’est pas vraiment son identité qui était importante mais la manière dont cela va impacter le groupe.

Ce traître a agi ainsi car il cherche l’homme qui a assassiné son frère, et il fera n’importe quoi pour arriver à ses fins, même trahir ses compagnons. Mais le destin s’acharne sur ce pauvre Eisaburô, qui découvre que celui qu’il cherche inlassablement est en réalité Nimi, un membre du groupe.

Leur combat est étonnamment bref mais très saisissant. Il se termine de manière absolument surprenante. Tout portait à croire que Eisaburô allait assouvir sa vengeance en vainquant ce Nimi, en suivant un schéma scénaristique classique. De plus, le Character Design de Eiji Hashimoto présente Nimi comme un personnage visuellement vicieux et malfaisant au physique reptilien, alors que Eisaburô est un jeune homme plein de fougue, archétype du héros de manga. Même visuellement, tout laissait imaginer un développement positif : une quête de vengeance assouvie et la naissance d’un guerrier libéré de ses démons. Eisaburô est introduit comme un personnage fort et plein de ressources, comme notamment lors de son duel face au charismatique Hajime.

Mais on le sait : Shinya Umemura, le scénariste de Chiruran, aime jouer avec la perception du lecteur depuis le premier tome. C’est ainsi que, contre toute attente, Eisaburô perd le duel, et décède immédiatement. Une rupture inattendue et choquante suivie d’une période de deuil particulièrement sombre et pénible pour les personnages qui appréciaient ce jeune guerrier. Le monde de Chiruran est impitoyable, et il ne faut surtout pas se fier à nos habitudes scénaristiques pour anticiper le destin des personnages. Personnellement, j’adore me faire surprendre de la sorte. 

Grâce à cet événement, le récit fait à nouveau un bond en avant et montre la progression du Miburôshi Gumi dans son histoire vers la création du Shinsen Gumi. 

La présence de Koto dans cette troupe de sauvages est un ajout de douceur, bien qu’un peu cliché. 

Le retour de Hajime, personnage extrêmement classe.

Le décès d’Eisaburô est saisissant, surprenant et fort en émotion dans sa mise en scène et sa symbolique. 

Le monde de Chiruran est impitoyable. 

Les dessins magnifiques. 

Les enjeux politiques sont toujours trop confus.

Grâce à ce tome 5, Chiruran fait un nouveau bond dans sa progression historique. Toujours aussi surprenante, la série abandonne un moment son ironie dramatique en ancrant complètement son récit dans le passé, réinstaurant ainsi une tension qui tend à s’estomper quand on se trouve dans le “présent”. Le décès dramatique d’Eisaburô est magnifiquement mis en scène et permet au scénariste de mettre en garde le lecteur. Personne n’est à l’abri dans Chiruran. Une chose est sûre, la série va continuer à surprendre. Un tome excellent !