Bucket List of the Dead
Volumes 1 à 3
Auteur : Haro Aso & Kotaro Takata
Editeur : Big Kana
Date de Sortie : 14 mai 2021 (tome 1)
Genre : Comédie, Fantastique
Big Découverte

Métro...Boulot...Copier...Coller... Séances… Heures sup’... Métro… Dodo...Métro...Boulot... Heures sup’... Métro… Dodo… J’ai de ces cernes, on dirait un zombie...

Selon l’entreprise, le travail en milieu corporate peut être d’une infinie redondance, on y perd littéralement sa vie à la gagner. En plus, si l’encadrement y est désagréable et profite de l’employé, le lieu de travail peut devenir l’enfer sur Terre. C’est notamment le cas pour Akira Tendô qui est esclave depuis 3 ans à Tokyo pour une société qui ne se soucie pas vraiment de son bien-être en tant que collaborateur. Son état végétatif en plein burnout lui fait perdre la raison, il s’acquitte machinalement de toutes les tâches qui l’incombent, sans même se rendre compte de son état.

Un matin, comme chaque matin, alors qu’il est sur le point de se rendre au travail, il découvre qu’une invasion de zombies met la ville à feu et à sang. Il voit certaines de ses connaissances transformées en morts-vivants. Une vision d’horreur ? Un cauchemar ? Et bien pour Akira il s’agit de la libération immédiate de son obligation de servir son entreprise esclavagiste, c’est l’heure de se déchaîner !

Road Trip...of the Dead

Bucket List of The Dead est un manga dont le 9ème tome est sorti en octobre 2021 au Japon. Au scénario, nous retrouvons Haro Aso, qui est déjà bien connu dans le monde du manga grâce au célèbre Alice in Borderland (ainsi que sa déclinaison et sa suite) qu’il réalise entièrement. Au dessin de Bucket List of the Dead, c’est Kotaro Takata, dont l'œuvre en 4 tomes Moi, Sherlock a été également publiée en français. Ces deux auteurs reviennent sous forme de duo avec leur nouvelle série dont la publication en français est assurée par les éditions Kana que je remercie pour l’envoi du 3ème tome.

Qu’est-ce qu’une Bucket List ? C’est un terme anglais désignant la liste des souhaits que l’on aimerait accomplir durant notre temps sur terre. Faire du saut à l’élastique, rencontrer une célébrité, manger dans un restaurant spécial, ce sont des exemples qui pourraient figurer sur votre Bucket List. Fondamentalement, tout le monde en a une quelque part dans un coin de la tête, mais rares sont les personnes qui les mettent par écrit.

Ce n’est pas le cas d’Akira fraîchement libéré des chaînes esclavagistes de son entreprise, qui ne sourcille aucunement face à la situation zombifiée du monde. Il est l’heure de penser à se faire plaisir et à se sentir vivre, même si le voisin se transforme en cadavre ambulant et en putréfaction. C’est ainsi qu’il commence la rédaction d’une liste, qu’il complète au gré de son inspiration, de 100 choses qu’il aimerait accomplir dans ce monde, quitte à slalomer entre les morts-vivants pour y arriver.

Les œuvres de zombies sont nombreuses. Des films de Romero aux comics (et séries TV) comme Walking Dead en passant par les jeux vidéo, cette thématique en inspire plus d’un. Véritable fantasme de la pop culture, le zombie est un classique indémodable dans la fiction gore. Les histoires de zombie grouillent et déambulent partout comme...des zombies ! Il faut donc faire preuve d’innovation pour se démarquer avec un tel sujet. Pour y parvenir, l’idée de Haro Aso est aussi simple qu’efficace : on s’en moque finalement des zombies ! Comme le montre judicieusement la couverture du tome 1, le roi c’est Akira et rien ne pourra l’empêcher de vivre sa vie comme il l’entend.

C’est ainsi qu’un voyage à travers un Japon infesté de dépouilles mouvantes qu’Akira part à la poursuite de ses rêves, tout en s’entourant de quelques camarades au passage.

Métaphore satirique...of the Dead

Quoi de mieux, après des années à se conformer aux règles, qu’un monde qui n’en a plus aucune ? La loi de la jungle s’applique dans la mégalopole japonaise, c’est chacun pour soi parmi les vivants. Cependant, malgré l’absence de convention et malgré quelques scènes un peu crues, le manga ne tombe jamais dans la surenchère gratuite ou une cruauté facile.

Au volant de différents véhicules qu’il trouve sur sa route, le voyage d’Akira le mène à la rencontre de plusieurs groupes de survivants qui lui seront utiles pour la réalisation des éléments sur sa fameuse liste, sans jamais tomber dans la facilité ou la redondance, bien que parfois le hasard fait un peu trop bien les choses vis-à-vis des choses notées sur la Bucket List. Cependant, en trois tomes, le manga parvient à renouveler convenablement les obstacles se présentant sur le chemin d’Akira, gare aux rencontres dangereuses pour sa santé mentale !

Véritable ode à l’émancipation et à la libération des chaînes de la société carriériste et esclavagiste, Bucket List of the Dead adopte un ton satirique très fort, surtout quand on connaît le rythme effréné du travail dans les entreprises à la culture du rendement au Japon. Perdre sa vie à la gagner n’est-elle pas la définition même du fait de ne plus vivre mentalement, tout en étant cliniquement vivant ? Le manga insiste sur cette analogie en présentant un monde entier peuplé de morts-vivants qui sont finalement moins à plaindre que ceux dont la vie se résume faire vivre l’entreprise qu’ils servent.

Ce second niveau de lecture apporte un intérêt supplémentaire au manga qui se lit déjà très facilement - et très vite - comme une œuvre parfaitement feel good aussi simple et décomplexée que son protagoniste. Mais derrière cette légèreté se trouve un message accusateur dénonçant cet aspect du monde.

Bien qu’Akira soit le personnage principal, ses compagnons vivent également leur émancipation à leur manière. C’est notamment le cas de la mystérieuse Shizuka, au caractère diamétralement opposé à la spontanéité d’Akira. Le tome 3 apporte notamment des clés de compréhension pour mieux appréhender le caractère de cette fille qui a d'autres chaînes dont elle doit se libérer.

Visuels...not very of the dead

La première impression qui donne le ton sur le fait que nous ne sommes pas en présence d’un manga gore et sinistre, mais dans une ambiance légère : des couvertures dynamiques et fortes en couleurs sans la moindre trace d’hémoglobine ou de cadavre putride (mise à part un certain requin sur la couverture du tome 2, mais ça reste soft).

Les éditions Kana l’ont bien compris en classifiant le manga dans la collection “Big”, celle qui contient les œuvres présentant une certaine maturité dans le propos, au lieu de la collection “Dark” dans laquelle les récits plus crus et gores trouvent facilement leur place.

Les dessins sont très dynamiques et offrent un contraste intéressant avec le propos. Les personnages principaux sont très expressifs alors que les zombies tirent plus vers le grotesque que l’effrayant. Globalement, je trouve que les dessins sont très agréables et faciles à lire.

Un manga facile et rapide à lire qui renferme une démarche de dénonciation sociétale très intéressante

Des dessins précis, efficaces et très expressifs.

Des situations qui se renouvellent bien.

Une ode à l’émancipation pour tous les personnages.

Le récit est dirigé par la liste, et cela donne parfois l’impression que le hasard fait un peu trop bien les choses.

Même après 3 tomes de lus, et malgré la présence d’une liste, j’ai encore du mal à me projeter sur plus d’une dizaine de volumes.

Bucket List of the Dead c’est le manga mortellement feel good qui désamorce totalement un contexte censé être effrayant. L’invasion de zombies devient le théâtre grotesque d’une ode à l’émancipation dénonçant les sociétés carriéristes qui donnent naissance à des entreprises esclavagistes. Les vrais zombies sont ceux qui sont prisonniers de ce système en leur donnant leur vie, les morts vivants en décomposition ce n’est rien à côté. C’est l’heure de se déchaîner !

 

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