Boys Run The Riot
Tome 1
❤ Coup de Coeur !!
Auteur : Keito Gaku
Editeur : Akata
Date de Sortie : 31 mars 2022
Genre : Tranche-de-vie
Big Découverte

Genre !

Normalement, à la naissance chaque humain arrive au monde avec soit un pénis, soit un vagin. Naturellement, on assigne au bébé son genre : il est du genre masculin si son sexe est un pénis, et de genre féminin si c’est un vagin. Jusque là, rien de très difficile à comprendre. En grandissant, l’individu va lui-même s’identifier à un genre. S’il s’identifie au genre assigné à sa naissance, il est cisgenre. S’il s’identifie au genre opposé, il est alors transgenre. Il y a évidemment de nombreuses nuances à connaître, telles que la non-binarité (ni masculin, ni féminin) ou le genre fluide (qui varie d’un jour à l’autre). Ce qui est important de souligner, c’est qu’une personne transgenre n’a pas besoin de subir une opération chirurgicale ou de prendre des hormones pour être considérée comme telle. L’unique condition se situe au niveau de l’identification personnelle et la manière dont la personne souhaite être interpellée par son entourage (notamment du point de vue du prénom ou des pronoms).

La transidentité est un sujet important et mais trop souvent méconnu dans notre société. Souvent, ce sont des personnes ayant été en contact rapproché avec ce sujet (étant eux-même transgenre, ou leur entourage proche) qui doivent utiliser de tout les moyens pour sensibiliser le monde, et notamment la population cisgenre souvent peu au courant, afin de lutter contre la marginalisation et la discrimination, quitte à provoquer des émeutes. 

C’est le cas de Keito Gaku, mangaka transgenre, qui se sert de son superbe coup de crayon et sa narration efficace pour raconter cette histoire d’émancipation et de place dans la société, grâce au manga Boys Run The Riot, dont il est question dans cet article. 

Un peu de tenue ?

Le milieu scolaire japonais est surreprésenté dans les mangas, avec cette image du lycéen en costume noir et le col boutonné jusqu’au cou et la lycéenne en jupe et chemise type marinière. Ce cliché, vecteur de tous les fantasmes à l’international, est pourtant le réel quotidien des étudiants au Japon. Ces tenues sont totalement genrées. A moins de réussir à éventuellement obtenir une dérogation en arrivant dans l’établissement, le port de l’uniforme attribué doit être respecté. Que faire lorsque la prise de conscience sur sa transidentité se passe durant l’année scolaire ? Que faire quand porter des jupes devient une honte pour celui qui se rend compte qu’il est né dans le mauvais corps ? 

Boys Run The Riot est un manga en 4 tomes, dont le premier est sorti le 31 mars 2022 aux éditions Akata. Le manga raconte justement l’histoire de Ryo, un jeune homme souffrant de dysphorie de genre. Assigné femme à la naissance, il est extrêmement mal dans sa peau à cause de la pression imposée par le lycée d’assumer un genre auquel il ne s’identifie pas. Cherchant à cacher sa tenue en enfilant des survêtements de sport, son quotidien est lourd et oppressant. Rejeté et insulté par ses camarades de classe, Ryo se sent seul. 

Jin, un grand gaillard au look détonnant avec les standards du lycée : cheveux longs, bijoux, vêtements streetwear dépassant de sous son uniforme scolaire. Malgré les préjugés, Jin n’est pas un de ces voyous typiques qui cherchent la bagarre à la moindre occasion. Au contraire, c’est un personnage très spontané, sincère et gentil qui souhaite vivre sa vie comme il l’entend. Son rêve ? Créer une marque de vêtement. En théorie, il sait exactement ce qu’il faut faire et ce dont il a besoin, mais en pratique il lui manque la fibre artistique pour réaliser des designs d’exception. C’est ainsi qu’il va s’associer à Ryo, grand fan de dessin, de street art et de peinture murale au graffiti, pour créer ensemble une marque de vêtement qui leur permettra, à eux et à leur client, d’affirmer haut et fort leur rejet des standards sociétaux.

Rock’n’Roll

Cette série me rappelle le manga Beck de Harold Sakuichi, que j’affectionne particulièrement, tant au niveau des visuels que sur la manière d’aborder l’envie d’émancipation de jeunes gens grâce à des milieux “underground” (développer un groupe de rock d’un côté, créer une marque de streetwear de l’autre), et tout ce que ça implique d’un point de vue stratégie et communication pour toucher un maximum de monde. Cette stratégie passe par le choix du photographe pour les shootings de produit, par exemple.  

Derrière les thématiques importantes, il y a l’histoire d’une belle rencontre et d’un projet, ainsi que toutes les étapes pour le mener à bien. Créer une marque, en théorie c’est simple, mais en pratique, il y a énormément d’éléments à soigner et notamment le marketing, la production et la distribution. Il est possible d’avoir le meilleur concept de vêtement, mais sans une bonne communication, ce n’est pas envisageable. Boys Run the Riot est parfaitement ancré dans l’ère digitale actuelle en présentant, par exemple, la facilité déconcertante de créer un site de nos jours pour y présenter des produits à vendre. Mais plus il est facile d’avoir une page sur internet, et plus il devient compliqué de se démarquer de la masse. Sans être un cours sur le marketing, le manga donne un aperçu intéressant sur les pratiques actuelles et pourrait donner des idées à certains lecteurs créatifs ! 

Boys Run the Riot est donc une franche réussite. Dans le fond, il permet de s’ouvrir à des sujets sociétaux importants auxquels il est réellement important de s’intéresser un minimum pour comprendre au lieu de les rejeter. La transidentité peut paraître difficile à appréhender, voire gêner les lecteurs non-avertis, et je trouve particulièrement bénéfique de la part des éditions Akata de tenter de sensibiliser la société grâce à des œuvres telles que Boys Run the Riot. Sur la forme, cette rencontre et ce projet de création de marque est particulièrement instructif et satisfaisant à suivre. 

 

Big

Une thématique de fond pertinente dans un récit passionnant.

Un style graphique très agréable.

Des personnages attachants et bien écrits.

 

 

Little

Avis purement personnel, mais j’aurais préféré un peu plus de folie dans le design des vêtements.

 

Avec Boys Run the Riot, il s’agit d’abord de faire passer un message pour sensibiliser à un sujet important, tout en proposant un captivant. Et le pari est réussi ! L’histoire de Ryo est passionnante, et son combat est touchant. Souvent, on rejette ce qu’on ne comprend pas car on ne prend justement pas le temps de comprendre. Les œuvres de ce genre permettent de s’ouvrir et de s’intéresser à des sujets qui nous échappent. C’est donc un grand merci aux éditions Akata de publier des séries comme celle-ci.

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