Blue Period
Volume 1
Blue Period
Auteur : Tsubasa Yamaguchi
Editeur : Pika Seinen
Date de Sortie : 20 janvier 2021
Genre : Tranche-de-vie / Apprentissage
Big Découverte

Quel est le sens de votre vie ? Vous êtes très doués dans vos études ou dans votre job, mais est-ce que vous vous sentez épanouis ? Avez-vous trouvé votre ikigai ?

Le ikigai est un terme japonais qui peut se traduire en “raison de vivre”. Il est communément dit que nous avons trouvé notre ikigai lorsque nous ne nous levons plus le matin pour travailler mais pour vivre, quand les passions qui nous animent convergent avec un moyen de gagner notre vie. Évidemment, cette pensée utopiste est rarement compatible avec une société carriériste, et surtout au Japon.

Un garçon multicolore à l’extérieur… mais incolore à l’intérieur

Yatora est un étudiant brillant. Il a des facilités dans toutes les branches scolaires. Il est extrêmement pragmatique et calculateur. Il choisit les cours faciles à suivre de manière à optimiser son temps de repos et se sécuriser des bonnes notes pour mener une scolarité paisible. Soucieux d’optimiser également sa vie sociale, il inclut les sorties avec ses amis dans son strict planning entre deux révisions. Grâce à ce rythme effréné, il est trop populaire pour être qualifié d’”intello”, alors que ses notes lui garantissent une place parmi les meilleurs étudiants de sa classe. Cependant, cet étudiant aux multiples visages n’a pas réellement de passion autre que son ambition à être excellent partout.

Mieux vaut “art” que jamais

Un jour, Yatora découvre malgré lui les créations du club d’arts visuels alors qu’il en méprise les membres et leurs activités. Un tableau en particulier va le bouleverser à un tel point qu’il va ouvrir son cœur au monde inconnu de l’art. C’est le déclic. Il décide rapidement de consacrer son existence à l’apprentissage de l’art afin d’être capable de transmettre des émotions aussi fortes que celles qui l’ont submergées en voyant un tableau. Mais pour cela, il va devoir apprendre toutes les bases du dessin, de la couleur, les différentes techniques, le matériel, etc.

Un début de volume en demi teinte

Édité par Pika Editions, Blue Period était particulièrement attendu en VF. L’originalité de son propos et son aspect pédagogique en font une œuvre très particulière.

Personnellement, je n’avais pas d’attentes particulières car je n’avais jamais entendu parler de ce titre avant son annonce. Mais étant moi-même passionné d’art et de dessin – je gribouille beaucoup à mes heures perdues – j’étais très curieux de ce titre.

J’ai trouvé que le manga se mettait en place de manière assez difficile, surtout la présentation du personnage et la mise en contexte qui m’ont parues maladroites. J’ai eu l’impression que l’auteur avait très envie de raconter l’histoire d’un apprentissage artistique, mais qu’il avait un peu de mal à trouver comment débuter son récit.

Cependant, une fois cette mise en place passée et que Yatora est plongé au cœur de sa nouvelle passion, c’est un réel plaisir de découvrir et d’apprendre en même temps que lui.

Gare aux éclaboussures

J’ai d’ailleurs trouvé très surprenant la vitesse à laquelle le protagoniste retourne sa chemise pour se consacrer à l’art alors qu’il brille dans tous les domaines sauf celui-ci. Dans une société carriériste, et surtout au Japon, c’est particulièrement étonnant. Je pense notamment à la réaction de sa mère, présentée comme une personne très à cheval sur les études et la sécurité de l’emploi. Elle se fait très rapidement une raison quant au virage entrepris par son fils qui décide de lâcher tous ses plans pour essayer d’entrer dans une des plus grandes fac d’arts du pays. Dans la réalité, ce genre de décisions et discussions sont un peu plus lourdes, et ça aurait peut-être été intéressant de le montrer. Je rappelle que la concurence pour accéder à de telles études est vraiment rude, entrer dans un tel institut seulement quelques jours après avoir découvert l’existence des crayons de couleur, c’est audacieux (et peu réaliste, mais c’est une oeuvre de fiction).

Ces raccourcis servent bien entendu à maintenir l’intérêt du lecteur et le centrer sur le contexte, éviter de s’égarer afin de se consacrer pleinement au propos de l’œuvre qui est l’apprentissage des arts visuels. Personnellement, une fois que j’ai accepté ces règles scénaristiques proposées par l’auteur, j’ai finalement trouvé très agréable à suivre.

Une belle palette de personnages

Le héros s’entoure de personnages divers et variés très intéressants disposant de techniques spéciales, cette fois-ci transposées au monde du dessin et de la peinture. Tous les personnages ont des identités visuelles très fortes et variées, l’auteur ne s’enferme pas dans des archétypes ou des standards, que ce soit les enseignants ou les étudiants. Les traits de caractère et physique sont néanmoins plutôt exagérés pour au final offrir une palette de personnages hauts en couleurs.

Un dessein hautement éducatif

L’aspect pédagogique de l’œuvre est vraiment très plaisant. Il permet de se familiariser avec différentes notions artistiques, techniques et historiques. Pour avoir fait des études artistiques, j’ai trouvé que certaines explications étaient peut-être un peu rapidement survolées ou raccourcies, mais je conçois parfaitement que la limite entre oeuvre de fiction et livre de cours est très estompée dans ce cas et elle ne doit en aucun cas être franchie.

C’est aussi presque frustrant de voir le héros progresser aussi vite dans cet apprentissage, quand on connaît un minimum l’investissement de temps et d’énergie que cela représente en réalité.

Un détail qui m’a particulièrement plu : les œuvres qui apparaissent au fil des chapitres sont de réelles créations par des étudiants en arts du Japon. C’est un ajout vraiment très malin et rafraîchissant qui offre une réelle légitimité au propos.

Un style visuel complémentaire

Les pages couleurs et les couvertures de Blue Period sont d’une rare beauté et finesse. Le travail de la couleur est magnifique et apporte un aspect “peinture” du plus bel effet. Le reste des pages du manga dispose de dessins très épurés et clairs. J’ai trouvé le contraste entre la qualité des compositions colorées avec le reste de l’œuvre plutôt étonnante au début. Cependant, ce style visuel très simple permet de rester en retrait pour la mise en valeur des œuvres d’art qui apparaissent au fil des pages. Et c’est plutôt malin de la part de l’auteur d’avoir opté pour ce style, tout en montrant grâce aux superbes pages couleurs qu’il n’a rien à prouver. De plus, le tout reste très expressif et lisible. L’expérience de lecture est très agréable.

 

Page de l’oeuvre sur le site de l’éditeur

Une oeuvre pédagogique sans être lourde.

Un propos très original.

Des personnages attachants.

Un style visuel cohérent qui met en valeur les oeuvres d’arts.

 

Une introduction un peu maladroite.

Un développement très (trop?) rapide sur certains points de réflexion.

Attention à ne pas banaliser l’accès aux écoles d’art.

Malgré les quelques points qui m’ont dérangé dans la mise en place du récit et quelques raccourcis scénaristiques, j’ai été convaincu par ce premier tome de Blue Period.

Moi-même passionné et formé en art, j’ai de grandes attentes vis-à-vis du développement de la suite du projet qui offre un propos réellement original et novateur.

Lire Blue Period permet d’apprendre la théorie artistique tout en suivant l’histoire d’un étudiant incolore qui découvre les teintes de la voie vers son ikigai. L’apprentissage de Yatora a de grandes chances de stimuler la curiosité artistique des lecteurs pour – pourquoi pas – révéler de nouveaux potentiels artistiques enfouis.

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