Elle est de retour ! 8 ans après un second opus salué par la critique et les joueurs, le monde commençait à se sentir en manque de la sorcière aux jambes interminables. Bayonetta est de retour dans un troisième épisode qui conclut la trinité initiée par le premier opus sorti en 2009. Attachez vos ceintures parce que le voyage est décoiffant !
Witch Please !
Bayonetta est une licence qui a toujours aimé faire écho à la Pop Culture pour parfois s’en inspirer, ou la singer gentiment dans des scénettes souvent drôles. Ce troisième opus ne déroge pas à la règle et il faut être à l’affût de la moindre référence. De Terminator à Dragon Ball, en passant par Le 5ème Element, tout y passe ! Mais ce n’est jamais exagéré au point d’en faire juste une compilation de références venant éclipser le jeu. Et justement, il ne se contente pas de ses dizaines de références. En réalité, Bayonetta 3 a trouvé une gigantesque source d’inspiration légitime, mais qui peut faire grincer des dents.
Nous parlions de Pop Culture, quelle est l’entreprise qui trône au sommet de cette industrie ? C’est incontestablement Disney, et plus précisément sa branche aux milles univers : Marvel. Véritable phénomène du Comics depuis des décennies, Marvel est devenue une machine infernale depuis l’apparition du MCU, leur « univers cinématographique” de plusieurs dizaines de films et de séries qui sont toutes interconnectés par le prisme de ce MCU justement. Cette connexion existe principalement grâce à une ficelle scénaristique qui en agace facilement certains : les multivers. Un principe simple assumant qu’il existe une infinité d’univers fondamentalement similaires aux nôtres mais dont un élément aurait dévié, laissant ainsi place à toutes les idées les plus farfelues, notamment l’existence d’alter égo aux looks différents. Bien que le MCU n’ait pas inventé ce concept, il a largement contribué à sa démocratisation avec son utilisation abusive pour lisser toutes les idées qui auraient eu du mal à être reliées autrement.
Vous l’aurez compris, Bayonetta 3 construit son concept sur ce principe de Multivers, ce qui n’est pas une mauvaise idée en soit, vu l’utilisation qui en est faite. Mais depuis que Marvel est passé par là, c’est automatiquement perçu comme une facilité et souvent à juste titre. Et j’étais également de cet avis en lançant le jeu. Agacé de me dire que Platinum Games a choisi une thématique un peu trop à la mode. Mais plus le jeu démêle son intrigue, et plus ce choix est cohérent et judicieux, pour plusieurs raisons :
Premièrement et comme mentionné précédemment, Bayonetta aime singer la pop culture. Alors quoi de plus approprié que de s’attaquer à la ficelle scénaristique la plus connue de notre époque, utilisée par l’entreprise qui se trouve au sommet de cette industrie ? Attention, une intention satirique n’est pas une issue de secours valable pour se permettre d’utiliser n’importe quel artifice sans conséquences mais je souhaite apporter une nuance supplémentaire avec ma seconde observation.
Bayonetta 3 a été annoncé en 2017, soit il y a plus de 5 ans. Ce qui veut aussi dire que sa pré-production et la rédaction de son histoire a débuté bien plus tôt, probablement dès la fin du développement du second opus, voire pendant, car quand on pose des idées scénaristiques, l’esprit créatif vagabonde et va au-delà des objectifs. Ce qui me fait penser que le scénario de Bayonetta 3 et son inspiration flagrante de Marvel est peut-être aussi une fâcheuse coïncidence de grands esprits qui se rencontrent. Si on compare certaines similitudes entre des événements majeurs du jeu et des films Marvel très récents, le temps de production d’un projet comme celui-ci est trop conséquent pour que Platinum Games ait pu rajouter des inspirations de dernière minute dans le jeu.
Dernièrement, qu’il s’agisse d’une prouesse acrobatique pour raccrocher les wagons avec les 2 premiers opus ou d’une planification de très longue date, le multivers de Bayonetta 3 offre une lecture nouvelle de l’histoire de la sorcière et apporte des clés de compréhension ainsi qu’une conclusion grisante à la trilogie.
Spectacul’hair
Quand on embarque dans un grand huit dans un parc d’attraction, il y a généralement ce moment interminable lorsque le wagonnet monte lentement sa pente avec le redondant son du cliquetis des roues qui avancent. On se demande si on a fait le bon choix de s’asseoir dans cette attraction, un sentiment d’excitation se mêle à un sentiment de regret. C’est exactement ce que j’ai ressenti en démarrant Bayonetta 3. Le début se veut déjà grandiose, mais en réalité c’est une certaine confusion qui règne. Les repères sont anéantis, et le ratio entre phases de jeux et cinématiques est trop déséquilibré pour réellement s’imprégner et s’investir dans l’expérience, comme si le grand huit s’arrêtait systématiquement pour 5 minutes après 3 secondes de course, c’est très frustrant. C’est probablement le prix à payer pour mettre en place toutes les règles du jeu pour que la suite du voyage soit spectaculaire.
Que ce soit au niveau des commandes durant les combats ou de l’histoire, la confusion est très présente durant la première heure de jeu. En y ajoutant la surprise, voire la déception, que peut provoquer dans un premier temps le concept de multivers, le jeu ne s’offre pas nécessairement les moyens de séduire directement le joueur.
Et pourtant, l’expérience en vaut la chandelle. A partir du moment où le nœud se démêle, les enjeux se mettent en place ainsi qu’un système scénaristique sous forme de boucles d’événements dont je tairais les détails mais qui bénéficient d’une certaine audace. Ça y est, le grand huit est lâché à pleine puissance et c’est un sacré trip jusqu’à la fin du quatorzième chapitre qui conclut magistralement le jeu ainsi que la trilogie que représentent Bayonetta 1, 2 et 3.
Le jeu fait littéralement voyager entre les pays et les époques pour un jeu aux décors moins fantaisistes qu’auparavant mais beaucoup plus ancré dans le monde réel, permettant ainsi de rendre la menace plus palpable pour le joueur. Cependant, ce monde réel est truffé de clichés comme la représentation de Paris et ses dizaines de salons de beauté nommés “Aphrodite” qui se succèdent dans le décor. Fait qui aurait pu être appréciable, les personnages secondaires s’expriment dans la langue des pays où l’action se situe. C’est une bonne chose, mais ils ont parfois un accent tellement raté que ça vient casser la volonté d’immersion de manière assez nette.
La structure du jeu est très simple, on traque un ennemi nommé Singularity à travers l’espace et le temps. Chaque voyage s’étend sur 3 chapitres et est séparé par un niveau intermède dans lequel on incarne Jeanne, l’autre célèbre sorcière, dans des phases d’infiltration à l’ambiance jazzy faisant penser au manga Cat’s Eyes. Ces passages au gameplay 2D sont plutôt courts et offrent une coupure bienvenue pour souffler après des segments d’histoires qui se concluent dans des dimensions gargantuesques.
Coucou, tu veux voir ma bête ?
Depuis quelques temps, les jeux aiment renouveler leur concept et ajouter de nombreuses boucles de gameplay différentes pour rompre une possible monotonie. On pense à It Takes Two ou à Nier Automata, des exemples de jeux qui switchent de mécanique de gameplay régulièrement et qui parviennent à conserver une maîtrise de bout en bout. Bayonetta 3 participe également à cette mode, et les chapitres défilent à toute vitesse, on y change parfois de personnage, de point de vue, voire de type de jeu : on saute du rail shooter au shoot’em up, en passant par le jeu de rythme ou encore la course d’obstacle aérienne. Pas de panique, le jeu garde l’essence même du beat’em up chère à l’âme de la licence mais avec un twist de taille dont on parlera un peu plus tard. Cependant, la progression est systématiquement ponctuée de phases qui viennent pimenter le tout. Certaines phases sont plus réussies que d’autres, mais globalement l’expérience est grisante et offre plus que jamais la sensation d’être pris dans une attraction spectaculaire. Le jeu me fait même parfois penser au rythme effréné et frénétique du jeu Asura’s Wrath sorti sur ps3 il y a 10 ans.
Malheureusement, la direction prise par Bayonetta 3 ne plaira pas aux conservateurs imperméables aux nouveautés qui rêvaient d’un jeu “à l’ancienne” où le gameplay du jeu n’aurait pas bougé entre les différents opus. C’est d’ailleurs d’autant plus flagrant avec l’ajout des bêtes à invoquer durant les combats, indispensables pour s’en sortir face à des ennemis souvent bien trop gros pour être affrontés par des personnages de taille humaine.
Le système de combat est donc simplement révolutionné avec l’arrivée de cette mécanique, et elle peut diviser. Lorsque Bayonetta invoque une des bêtes à disposition en faisant une drôle de danse “de la soumission” en perdant une partie des ses vêtements, on ne la contrôle plus et elle est vulnérable. Ce qui implique que l’invocation doit être faite de manière réfléchie pour ne pas la mettre en danger. Mais grâce au gameplay nerveux et maîtrisé du jeu, l’invocation se fait en une fraction de seconde et peut être intégrée à un combo. Une fois habitué, le système se révèle plus technique et grisant que jamais bien que l’action soit régulièrement confuse à l’écran faute à une caméra qui ne sait pas toujours où se placer.
De plus, le système de combat reste fidèle à lui-même en convenant à tout type de joueurs : ceux qui aiment marteler le même bouton systématiquement pour déclencher des grosses attaques, ou les joueurs esthètes qui vont explorer toutes les possibilités offertes par les différents combos et les différentes armes. Le résultat est le même, les monstres vont mourir, mais pas besoin de forcément jouer de manière trop technique pour tirer son épingle du jeu et obtenir de bonnes notes en fin de combat. Peu d’affrontements proposent réellement un challenge relevé en mode normal, à part un ou deux en fin de jeu, mais il suffit d’être bien équipé en objet de soin pour en faire une promenade de santé.
J’émettrai néanmoins une réclamation vis-à-vis du menu des équipements, objets, armes et améliorations de personnage que je n’ai découvert qu’après 6 ou 7 chapitres. Soit je suis complètement passé à côté de l’information, soit il mériterait d’être un peu mieux mis en valeur.
Le jeu est également très généreux, chaque chapitre peut être exploré de fond en comble pour y trouver des secrets ou obtenir des charmes (l’équivalent des succès /trophées sur les consoles concurrentes). Bien que la frénésie qui règne et le level design n’invite pas forcément à l’exploration, il faut saluer la volonté de rompre les couloirs pour en faire des zones à fouiller avec une certaine verticalité. Une fois la partie terminée, le jeu propose de nouveaux challenge aux plus assidus, de quoi passer encore des dizaines d’heures sur le jeu. Certains objectifs optionnels sont plus amusants que d’autres. Les arènes marquées dans le paysage à l’aide d’une lueur violette par exemple, n’offrent à mes yeux aucun intérêt et coupent l’expérience de manière plutôt désagréable. Mais elles plairont aux completionnistes et aux amateurs de challenges.
Ma sorcière bien néné..?
“Bayonetta c’est uniquement du fan service”. “Bayonetta c’est juste un jeu avec une sorcière super bonne.” “Au contraire, Bayonetta c’est…féministe?!”.
Ce qui est sûr, c’est que Bayonetta et son côté sulfureux est un aspect qui anime les conversations. Comme on le dit, il n’y a pas de mauvaise pub, et si le jeu peut faire parler de lui alors c’est tout benef’. Mais finalement, Bayonetta, est-ce vraiment juste un moyen de mettre en scène une sorcière splendide en combinaison moulante et aux poses suggestives pour le plaisir des yeux ?
Et bien pas vraiment. Bien que la description ci-dessus soit vraie, à aucun moment il y a des plans de caméra qui soient dans l’exagération, la soumission voire l’humiliation (n’ayons pas peur des termes). Au contraire, Bayonetta est une femme extrêmement forte, constamment en position de puissance ou de supériorité, et qui déglingue avec aisance des centaines de créatures dont les formes humanoïdes semblent masculines. Bayonetta assume complètement son attitude et son look et ne se retrouve jamais en position aguicheuse pour les regards lubriques, le « malegaze », même quand elle est presque nue durant certaines de ses attaques. Bayonetta est effectivement sexy, mais sexy n’est absolument pas un terme péjoratif.
Mais alors c’est féministe ? Non plus. Le féminisme reste un combat, et rien dans Bayonetta ne montre une prise de position. Il faut faire attention à ne pas voir les choses de manière binaire, ce n’est pas parce que le sexy de Bayonetta n’est pas sexualisé ou humiliant que ça en devient un propos féministe, ce serait même carrément réducteur de faire un tel raccourcis.
On pourrait faire un article entier uniquement sur ce sujet, et ce n’est pas le but. Il suffit de retenir que Bayonetta c’est sexy mais pas sexualisé.
Plaisir sensi’tif’
Pour terminer avec l’aspect technique et audiovisuel : Bayonetta 3 pousse la Switch dans ses derniers retranchements. La fluidité constante pour un tel festival son et lumière doit être rude pour la console de Nintendo. Mais elle s’en sort très bien. Malgré quelques décors inégaux visuellement, la surenchère visuelle l’emporte haut-la-main. Ça explose, jaillit, danse, attaque de partout. Et même si l’action est un peu confuse parfois, les performances restent au top, même sur une Switch de la première génération. Le tout est accompagné d’une bande son spectaculaire pour le plus grand plaisir de nos oreilles. La direction artistique des paysages est un peu plus timides qu’auparavant mais c’est compensé par une mise en scène spectaculaire. Les inspirations Marvel et plus particulièrement Doctor Strange sont quand même un peu trop reconnaissables par moment.
Un jeu très généreux en contenu et en variété.
Une bande son du tonnerre.
Une fin en apothéose qui conclut la trilogie en beauté.
Une mise en scène spectaculaire et décoiffante.
Un jeu accessible même sans avoir fait les précédents, mais on passe à côté de quelques références.
Des niveaux à explorer.
Sexy mais pas sexualisé.
Pleins de références à la Pop Culture.
Un début de jeu confus et déroutant.
Objectifs optionnels peu intéressants.
Des interfaces perfectibles.
L’inspiration Marvel un peu trop visible par moment.
Certaines phases sont tellement grisantes qu’on en aurait aimé plus.
Bayonetta 3 signe la conclusion en apothéose d’une trilogie commencée en 2004. Le démarrage un peu confus et un peu trop inspiré de Marvel laisse rapidement sa place à un voyage décoiffant, absolument généreux et spectaculaire. Un gameplay accessible et varié qui conviendra à tout type de joueurs, mais les conservateurs des deux opus précédents devront se laisser séduire pour se laisser emporter à leur tour dans cette frénésie et cette splendide conclusion.
Merci à Platinum Games pour ce voyage impressionnant et finalement émouvant à travers les univers, je suis très curieux de découvrir ce que la suite de cette licence nous réserve d’ici quelques années.