Genre : Thriller
Qu’est-ce qui pourrait vous pousser à tuer quelqu’un ? Telle est la phrase d’accroche sur ce tome 1 de Adabana dont la couverture est dominée par cette couleur rouge sang. Ce manga de NON (c’est son pseudo), et d’après une idée originale de Dai Tezuka, est le nouveau thriller “choc” (réservé à un public averti) en 3 tomes aux éditions Kana.
Adabana est un titre qui m’était totalement inconnu, mais j’ai été attiré par ce visuel de couverture si particulier, cette phrase d’accroche et surtout le fait que la série bénéficie directement d’une édition en grand format à sa sortie, ce dont je suis particulièrement friand. Comme il s’agit d’une série à suspense en peu de tomes, je vais tâcher de dévoiler le moins d’éléments d’intrigues pour ne gâcher aucun plaisir de découverte.
Innocence meurtrière
Tout commence par les nouvelles annonçant un meurtre, la jeune Mako Igarashi est retrouvée morte, décapitée et une main coupée. Mizuki Aikawa, dont c’était la meilleure amie, se rend sereinement au poste de police pour avouer sa culpabilité dans cette affaire sordide : elle revendique le meurtre de la fille et se fait arrêter aussitôt. C’est ici que l’histoire commence : A-t-elle réellement commis ce crime ? Et si oui, pourquoi et dans quelles circonstances ? Dans le cas contraire, que cherche-t-elle à protéger en portant la culpabilité du meurtre ?
La structure narrative du récit est une formule qui a déjà fait ses preuves. Les interrogatoires du présent essaient de faire avancer l’intrigue en démêlant les actes du passé. Mais la police se rend rapidement compte grâce au témoignage de l’auto-présumée coupable que la situation qui paraissait simple, ne l’est finalement pas du tout. Chaque élément qu’ajoute Mizuki à son histoire pour la clarifier, apporte de nouveaux indices et de la matière (parfois des révélations graves) pour les enquêteurs. Mais le mystère s’épaissit également au fur et à mesure que l’enquête suit son cours, car ces éléments supplémentaires apportent de nouveaux angles ainsi que des personnages inattendus.
Là où le propos du manga est très pertinent et donne à réfléchir, c’est que derrière cette question “Qu’est-ce qui pourrait vous pousser à tuer quelqu’un ?”, on peut aussi y lire une question directement posée au lecteur : “A quel point êtes-vous capable de justifier le meurtre d’une autre personne ?”. Bien que taciturne et fondamentalement mal dans sa peau, Mizuki n’est pas présentée comme une mauvaise personne ou dangereuse, bien au contraire. Pourtant, elle est capable de tuer, par instinct de survie, et par amour. Quel regard faut-il lui porter ? Est-elle le bourreau ou la victime ? Les deux ? Quelle est la position que devrait prendre le lecteur vis-à-vis de cette meurtrière ? De nombreux manga banalisent les actions des « méchants », les rendant sympathique et justifiant leurs actions. Certaines œuvres dont le manichéisme est complètement assumé, même en déplaçant la focale, servent à (gentiment) titiller les pulsions sadiques des lecteurs. Je pense notamment au manga Lesson of the Evil, toujours aux éditions Kana, qui offre un malin plaisir au lecteur à soutenir un tueur en série dans son carnage, tout en jouant avec l’ambiguïté du fait qu’il est sensé être stoppé à tout prix. Au final c’est le lecteur qui se sent coupable d’avoir soutenu le criminel, c’est extrêmement intéressant. De nombreuses autres œuvres jouent avec cette ambiguïté vis-à-vis de la culpabilité, mais justement dans Adabana, le parti pris est totalement opposé à cette idée, justement à cause de cette absence de manichéisme.
Dans ce sens, les événements survenant dans le premier chapitre sont particulièrement bien pensés. Ils offrent immédiatement et de manière concrète la possibilité au lecteur de considérer la culpabilité de Mizuki alors qu’elle est elle-même une victime. Elle est capable de tuer, mais l’a-t-elle fait vis-à-vis du crime qu’elle revendique ? Elle n’est pas une « méchante », pourtant elle est en prison. L’auteur peut ainsi jouer avec la perception et les croyances.
Lumière noire
Sur la 4ème de couverture, il est mentionné “La nature humaine dans toute sa noirceur”. En effet, chaque personnage possède différentes facettes qui se révèlent au fil des chapitres. Tout le monde possède une noirceur dans l’âme mais le récit conserve toujours cet aspect non-manichéen ne permettant pas au lecteur de se convaincre de ses propres interprétations. Difficile alors de savoir quel est le réel fin mot de l’histoire et de ce qui est enfoui dans les personnages. La conclusion de ce premier tome présente notamment un nouveau visage souriant chez Mizuki, appuyant sur le fait que l’amour (ou l’amitié) est son moteur pour agir sans aucune limite, mais aussi pour sourire. Je reste volontairement vague de nouveau pour ne rien dévoiler, mais je suis très impatient d’en comprendre un peu plus dans le 2ème (et avant-dernier) tome à paraître le 1er juillet 2022.
Douce violence
Comme indiqué sur la couverture, Adabana n’est pas à mettre entre toutes les mains. Malgré son design élégant et ses dessins somptueux, le manga traite et présente de manière graphiquement explicites des sujets graves comme le meurtre, la dissimulation de cadavres ainsi que le viol.
Les dessins de NON (c’est toujours le pseudo de l’auteur) sont absolument splendides, et il exploite pleinement l’espace à disposition pour faire des pages avec peu de cases mais très grandes et généreuses en détails (sans jamais nuire à la lisibilité). Il y a de nombreux gros plans sur les superbes visages très expressifs des personnages. De plus, le grand format du manga est vraiment bienvenu car il permet de s’immerger encore plus dans les cases et l’action, ce qui offre une lecture presque intime des scènes, comme si nous y étions. Cette immersion est soutenue par un découpage et une structure diablement efficace.
Un structure classique mais parfaitement efficace.
Une enquête en 3 tomes pleine de mystères.
Des dessins somptueux et immersifs.
Une superbe édition grand format.
Ca se lit trop vite ! Vite la suite !
J’ai été bluffé par ce premier tome de Adabana. Que ce soit au niveau du découpage, du scénario ou des dessins, tout est spectaculaire. J’ai été en apnée pendant la lecture de ce tome. C’est donc un grand OUI pour ce manga dessiné par NON. En plus, une expérience de cette qualité en 3 tomes grand format, c’est prendre peu de risque en tant que lecteur pour suivre une intrigue palpitante. Merci aux éditions Kana d’avoir édité ce coup de coeur !